e t'etonne pas des visions fantastiques que tes yeux
semblent apercevoir. Pendant le jour, lorsque l'esprit est en repos,
interroge ta conscience; elle te dira, avec surete, que le Dieu qui a
cree l'homme avec une parcelle de sa propre intelligence possede une
bonte sans limites, et recevra, apres la mort terrestre, ce chef-
d'oeuvre dans son sein. Fossoyeur, pourquoi pleures-tu? Pourquoi ces
larmes, pareilles a celles d'une femme? Rappelle-toi le bien; nous sommes
sur ce vaisseau demate pour souffrir. C'est un merite, pour l'homme, que
Dieu l'ait juge capable de vaincre ses souffrances les plus graves.
Parle, et, puisque, d'apres tes voeux les plus chers, l'on ne souffrirait
pas, dis en quoi consisterait alors la vertu, ideal que chacun s'efforce
d'atteindre, si ta langue est faite comme celle des autres hommes.
--Ou suis-je? N'ai-je pas change de caractere? Je sens un souffle
puissant de consolation effleurer mon front rasserene, comme la brise du
printemps ranime l'esperance des vieillards. Quel est cet homme dont le
langage sublime a dit des choses que le premier venu n'aurait pas
prononcees? Quelle beaute de musique dans la melodie incomparable de sa
voix! Je prefere l'entendre parler, que chanter d'autres. Cependant,
plus je l'observe, plus sa figure n'est pas franche. L'expression
generale de ses traits contraste singulierement avec ces paroles que
l'amour de Dieu seul a pu inspirer. Son front, ride de quelques plis,
est marque d'un stygmate indelebile. Ce stygmate, qui l'a vieilli avant
l'age, est-il honorable ou est-il infame? Ses rides doivent-elles etre
regardees avec veneration? Je l'ignore et je crains de le savoir.
Quoiqu'il dise ce qu'il ne pense pas, je crois neanmoins qu'il a des
raisons pour agir comme il l'a fait, excite par les restes en lambeaux
d'une charite detruite en lui. Il est absorbe dans des meditations qui
me sont inconnues, et il redouble d'activite dans un travail ardu qu'il
n'a pas l'habitude d'entreprendre. La sueur mouille sa peau: il ne s'en
apercoit pas. Il est plus triste que les sentiments qu'inspire la vue
d'un enfant au berceau. Oh! comme il est sombre!... D'ou sors-tu?...
Etranger, permets que je touche, et que mes mains, qui etreignent
rarement celles des vivants, s'imposent sur la noblesse de ton corps.
Quoi qu'il en arrive, je saurais a quoi m'en tenir. Ces cheveux sont les
plus beaux que j'aie touches dans ma vie. Qui serait assez audacieux
pour contester que je ne connais p
|