rmeront, ni ne s'evanouiront les vanites.
Ainsi Bayle circule entre les doctrines, les comprenant admirablement,
et merveilleusement apte, merveilleusement dispose aussi, et a les
distinguer nettement pour les bien faire entendre, et a les concilier,
ou plutot a les diluer les unes dans les autres, pour montrer a quel
point c'est vanite de croire qu'on appartient exclusivement a l'une
d'elles. On l'a appele "l'assembleur de nuages", et voila une singuliere
definition de l'esprit le plus exact et le plus clair qui ait ete.
Personne ne sait mieux isoler une theorie pour la faire voir, et jeter
sur elle un rayon vif de blanche lumiere; mais il aime ensuite, cessant
de l'isoler et de la circonscrire, a la montrer toute proche des autres
pour peu qu'on veuille voir les choses d'ensemble, et a meler et
confondre l'etoile de tout a l'heure dans une nebuleuse.
Au fond il ne croit a rien, je ne songe pas a en disconvenir, mais
il n'y a jamais eu de negation plus douce, moins insolente et moins
agressive. Son atheisme, qui est incontestable, est en quelque maniere
respectueux. Il consiste a affirmer qu'il ne faut pas s'adresser a la
raison pour croire en Dieu, et que c'est lui demander ce qui n'est pas
son affaire; que pour lui, Bayle, qui ne sait que raisonner, il ne peut,
en conscience, nous promettre de nous conduire a la croyance, niais que
d'autres chemins y conduisent, que, pour ne point les connaitre, il
ne se permet pas de mepriser.--Il se tient la tres ferme, dans cette
position sure, et dans cette attitude, qui, tout compte fait, ne laisse
pas d'etre modeste. Ce genre d'atheisme n'est point pour plaire a un
croyant; mais il ne le revolte pas. Bien plus choquant est l'atheisme
dogmatique, imperieux, insolent et scandaleux de Diderot; bien plus
aussi le deisme administratif et policier de Voltaire, qui tient a Dieu
sans y croire, ou y croit sans le respecter, comme a un directeur de la
surete generale.
Quand Bayle laisse echapper une preference entre les systemes, et semble
incliner, c'est du cote du manicheisme. Il n'y croit non plus qu'a rien,
mais il y trouve, manifestement, beaucoup de bon sens. C'est qu'avec
sa surete ordinaire de critique, surete qu'il tient de sa rectitude
d'esprit, mais aussi qui est facile a un homme qui n'a ni prejuge, ni
parti pris, ni parti, il a bien vu que tout le fond de la question du
deisme, du spiritualisme, c'etait la question de l'origine du mal dans
le monde, que la etait le noeu
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