d de tout debat, et le point ou toute
discussion philosophique ramene. C'est parce qu'il y a du mal sur la
terre qu'on croit en Dieu, et c'est parce qu'il y a du mal sur la terre
qu'on en doute; c'est pour nous delivrer du mal qu'on l'invoque,
et c'est comme bien createur du mal qu'on se prend a ne le point
comprendre. Et il en est qui ont suppose qu'il y avait deux Dieux, dont
l'un voulait le mal et l'autre le bien, et qu'ils etaient en lutte
eternellement, et qu'il fallait aider celui qui livre le bon combat.--
C'est une consideration raisonnable, remarque Bayle. Elle rend compte,
a peu pres, de l'enigme de l'univers. Elle nous explique pourquoi la
nature est immorale, et l'homme capable de moralite; pourquoi l'homme
lui-meme, engage dans la nature et essayant de s'en degager, secoue le
mal derriere lui, s'en detache, y retombe, se debat encore, et appelle a
l'aide; elle justifie Dieu, qui, ainsi compris, n'est point responsable
du mal, et en souffre, loin qu'il le veuille; elle rend compte des
faits, et de la nature de l'homme et de ses desirs, et de ses espoirs,
et, precisement, meme de ses incertitudes et de son impuissance a se
rendre compte.
--Je le crois bien, puisque cette doctrine n'est pas autre chose que les
faits eux-memes decores d'appellations theologiques. Ce n'est pas une
explication, c'est une constatation qui se donne l'air d'une theorie.
Il existe une immense contrariete qu'il s'agit de resoudre, disent les
philosophes ou les theologiens. Le manicheen repond: "Je la resous en
disant: il existe une contrariete. Des deux termes de cette antinomie
j'appelle l'un Dieu et l'autre Ahriman. J'ai constate la difficulte,
j'ai donne deux noms aux deux elements du conflit. Tout est explique."
Si Bayle penche un peu vers cette doctrine, c'est justement parce
qu'elle n'est qu'une constatation, un peu resumee. Ce qu'il aime, ce
sont des faits, clairs, verifies et bien classes. Le dualisme manicheen
lui plait, comme une bonne table des matieres, sur deux colonnes. Du
reste, sa demarche habituelle est de faire le tour des idees, de les
bien faire connaitre, d'en faire un releve exact, et d'insinuer qu'elles
ne resolvent pas grand'chose.
En politique Bayle ne se paie pas plus qu'en autre affaire de nouveautes
ambitieuses et de theories systematiques. Il semble meme persuade qu'il
ne faut ecrire nullement sur la politique, tant les passions des hommes
rendront vite defectueuses et funestes dans la pratique les pl
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