tits faits se reveillaient en son souvenir,
des paroles de sa femme, des regards de Limousin, un tas de riens
inobserves, presque inapercus, des sorties tardives, des absences
simultanees, et meme des gestes presque insignifiants, mais bizarres
qu'il n'avait pas su voir, pas su comprendre, et qui, maintenant,
prenaient pour lui une importance extreme, etablissaient une connivence
entre eux. Tout ce qui s'etait passe depuis ses fiancailles surgissait
brusquement en sa memoire surexcitee par l'angoisse. Il retrouvait tout,
des intonations singulieres, des attitudes suspectes; et son pauvre
esprit d'homme calme et bon, harcele par le doute, lui montrait
maintenant, comme des certitudes, ce qui aurait pu n'etre encore que des
soupcons.
Il fouillait avec une obstination acharnee dans ces cinq annees de
mariage, cherchant a retrouver tout, mois par mois, jour par jour; et
chaque chose inquietante qu'il decouvrait le piquait au coeur comme un
aiguillon de guepe.
Il ne pensait plus a Georges, qui se taisait maintenant, le derriere sur
le tapis. Mais, voyant qu'on ne s'occupait pas de lui, le gamin se remit
a pleurer.
Son pere s'elanca, le saisit dans ses bras, et lui couvrit la tete de
baisers. Son enfant lui demeurait au moins! Qu'importait le reste?
Il le tenait, le serrait, la bouche dans ses cheveux blonds, soulage,
console, balbutiant: "Georges..... mon petit Georges, mon cher petit
Georges....." Mais il se rappela brusquement ce qu'avait dit Julie!....
Oui, elle avait dit que son enfant etait a Limousin..... Oh! cela
n'etait pas possible, par exemple! non, il ne pouvait le croire, il n'en
pouvait meme douter une seconde. C'etait la une de ces odieuses
infamies qui germent dans les ames ignobles des servantes! Il repetait:
"Georges..... mon cher Georges." Le gamin, caresse, s'etait tu de
nouveau.
Parent sentait la chaleur de la petite poitrine penetrer dans la sienne
a travers les etoffes. Elle l'emplissait d'amour, de courage, de joie;
cette chaleur douce d'enfant le caressait, le fortifiait, le sauvait.
Alors il ecarta un peu de lui la tete mignonne et frisee pour la
regarder avec passion. Il la contemplait avidement, eperdument, se
grisant a la voir, et repetant toujours: "Oh! mon petit..... mon petit
Georges!....."
Il pensa soudain: "S'il ressemblait a Limousin... pourtant!"
Ce fut en lui quelque chose d'etrange, d'atroce, une poignante et
violente sensation de froid dans tout son corps, dans tous ses
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