mmes, aux arts, aux sciences, aimer la vie aux milles formes,
la vie mysterieuse, charmante ou poignante, toujours changeante,
toujours inexplicable et curieuse.
Maintenant il etait trop tard. Il irait de bock en bock, jusqu'a la
mort, sans famille, sans amis, sans esperances, sans curiosite pour
rien. Une detresse infinie l'envahit, et une envie de se sauver, de
se cacher, de rentrer dans Paris, dans sa brasserie et dans son
engourdissement! Toutes les pensees, tous les reves, tous les desirs qui
dorment dans la paresse des coeurs stagnants s'etaient reveilles, remues
par ce rayon de soleil sur les plaines.
Il sentit que s'il demeurait seul plus longtemps en ce lieu, il allait
perdre la tete, et il gagna bien vite le pavillon Henri IV pour
dejeuner, s'etourdir avec du vin et de l'alcool et parler a quelqu'un,
au moins.
Il prit une petite table dans les bosquets d'ou l'on domine toute la
campagne, fit son menu et pria qu'on le servit tout de suite.
D'autres promeneurs arrivaient, s'asseyaient aux tables voisines. Il se
sentait mieux; il n'etait plus seul.
Dans une tonnelle, trois personnes dejeunaient. Il les avait regardees
plusieurs fois sans les voir, comme on regarde les indifferents.
Tout a coup, une voix de femme jeta en lui un de ces frissons qui font
tressaillir les moelles.
Elle avait dit, cette voix: "Georges, tu vas decouper le poulet."
Et une autre voix repondit: "Oui, maman."
Parent leva les yeux; et il comprit, il devina tout de suite quels
etaient ces gens! Certes il ne les aurait pas reconnus. Sa femme etait
toute blanche, tres forte, une vieille dame serieuse et respectable; et
elle mangeait en avancant la tete, par crainte des taches, bien qu'elle
eut recouvert ses seins d'une serviette. Georges etait devenu un homme.
Il avait de la barbe, de cette barbe inegale et presque incolore qui
frisotte sur les joues des adolescents. Il portait un chapeau de haute
forme, un gilet, de coutil blanc et un monocle, par chic, sans doute.
Parent le regardait, stupefait! C'etait la Georges, son fils?--Non, il
ne connaissait pas ce jeune homme; il ne pouvait rien exister de commun
entre eux. Limousin tournait le dos et mangeait, les epaules un peu
voutees.
Donc ces trois etres semblaient heureux et contents; ils venaient
dejeuner a la campagne, en des restaurants connus. Ils avaient eu une
existence calme et douce, une existence familiale dans un bon logis
chaud et peuple, peuple par tous les rien
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