s qui font la vie agreable, par
toutes les douceurs de l'affection, par toutes les paroles tendres qu'on
echange sans cesse, quand on s'aime. Ils avaient vecu ainsi, grace a
lui Parent, avec son argent, apres l'avoir trompe, vole, perdu! Ils
l'avaient condamne, lui, l'innocent, le naif, le debonnaire, a toutes
les tristesses de la solitude, a l'abominable vie qu'il avait menee
entre un trottoir et un comptoir, a toutes les tortures morales et a
toutes les miseres physiques! Ils avaient fait de lui un etre inutile,
perdu, egare dans le monde, un pauvre vieux sans joies possibles, sans
attentes, qui n'esperait rien de rien et de personne. Pour lui la terre
etait vide, parce qu'il n'aimait rien sur la terre. Il pouvait courir
les peuples ou courir les rues, entrer dans toutes les maisons de Paris,
ouvrir toutes les chambres, il ne trouverait, derriere aucune porte, la
figure cherchee, cherie, figure de femme ou figure d'enfant, qui sourit
en vous apercevant. Et cette idee surtout le travaillait, l'idee de la
porte qu'on ouvre pour trouver et embrasser quelqu'un derriere.
Et c'etait la faute de ces trois miserables, cela! la faute de cette
femme indigne, de cet ami infame et de ce grand garcon blond qui prenait
des airs arrogants.
Il en voulait maintenant a l'enfant autant qu'aux deux autres!
N'etait-il pas le fils de Limousin? Est-ce que Limousin l'aurait garde,
aime, sans cela? Est-ce que Limousin n'aurait pas lache bien vite la
mere et le petit s'il n'avait pas su que le petit etait a lui, bien a
lui? Est-ce qu'on eleve les enfants des autres?
Donc, ils etaient la, tout pres, ces trois malfaiteurs qui l'avaient
tant fait souffrir.
Parent les regardait, s'irritant, s'exaltant au souvenir de toutes
ses douleurs, de toutes ses angoisses, de tous ses desespoirs. Il
s'exasperait surtout de leur air placide et satisfait. Il avait envie de
les tuer, de leur jeter son siphon d'eau de Seltz, de fendre la tete de
Limousin qu'il voyait, a toute seconde, se baisser vers son assiette et
se relever aussitot.
Et ils continueraient a vivre ainsi, sans soucis, sans inquietudes
d'aucune sorte. Non, non. C'en etait trop a la fin! Il se vengerait; il
allait se venger tout de suite puisqu'il les tenait sous la main. Mais
comment? Il cherchait, revait des choses effroyables comme il en arrive
dans les feuilletons, mais ne trouvait rien de pratique. Et il buvait,
coup sur coup, pour s'exciter, pour se donner du courage, pour ne pas
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