u buffet, me defendait de danser avec
celui-ci ou avec celui-la, m'emmenait au milieu du cotillon, me rendait
stupide et ridicule et me faisait passer pour je ne sais quoi. C'est
alors que j'ai cesse d'aller dans le monde.
Dans l'intimite, c'est devenu pis encore. Figure-toi que ce miserable-la
me traitait de... de... je n'oserai pas dire le mot... de catin!
Ma chere!... il me disait le soir: "Avec qui as-tu couche aujourd'hui?"
Moi, je pleurais et il etait enchante.
Et puis, c'est devenu pis encore. L'autre semaine, il m'emmena diner aux
Champs-Elysees. Le hasard voulut que Baubignac fut a la table voisine.
Alors voila Simon qui se met a m'ecraser les pieds avec fureur et qui me
grogne, par-dessus le melon: "Tu lui as donne rendez-vous, sale bete;
attends un peu." Alors, tu ne te figurerais jamais ce qu'il a fait, ma
chere: il a ote tout doucement l'epingle de mon chapeau et il me l'a
enfoncee dans le bras. Moi j'ai pousse un grand cri. Tout le monde est
accouru. Alors il a joue une affreuse comedie de chagrin. Tu comprends.
A ce moment-la, je me suis dit: Je me vengerai et sans tarder encore.
Qu'est-ce que tu aurais fait, toi?
--Oh! je me serais vengee!
--Eh bien! ca y est.
--Comment?
--Quoi? tu ne comprends pas?
--Mais, ma chere... cependant... Eh bien, oui...
--Oui, quoi?
--Voyons, pense a sa tete. Tu le vois bien, n'est-ce pas, avec sa grosse
figure, son nez rouge et ses favoris qui tombent comme des oreilles de
chien.
--Oui.
--Pense, avec ca, qu'il est plus jaloux qu'un tigre.
--Oui.
--Eh bien, je me suis dit: Je vais me venger pour moi toute seule et
pour Marie, car je comptais bien te le dire, mais rien qu'a toi, par
exemple. Pense a sa figure, et pense aussi qu'il... qu'il... qu'il
est...
--Quoi... tu l'as...
--Oh! ma cherie, surtout ne le dis a personne, jure-le-moi encore!...
Mais pense comme c'est comique!... pense... Il me semble tout change
depuis ce moment-la!... et je ris toute seule... toute seule... Pense
donc a sa tete...!!!
La baronne regardait son amie, et le rire fou qui lui montait a la gorge
lui jaillit entre les dents; elle se mit a rire, mais a rire comme si
elle avait une attaque de nerfs; et, les deux mains sur sa poitrine, la
figure crispee, la respiration coupee, elle se penchait en avant comme
pour tomber sur le nez.
Alors la petite marquise partit a son tour en suffoquant. Elle repetait,
entre deux cascades de petits cris:--Pense... pense... e
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