, roula les papes dans leurs ruses
de pretres et les joua, plus madres que ces pontifes italiens, et
surtout laissa des enfants dans tous les lits de la terre. Les d'Orgemol
sont deux Normands timbres au meilleur titre, ils ont tout des Normands,
la voix, l'accent, l'esprit, les cheveux blonds et les yeux couleur de
la mer.
Quand nous sommes ensemble, nous parlons patois, nous vivons, pensons,
agissons en Normands, nous devenons des Normands terriens plus paysans
que nos fermiers.
Or, depuis quinze jours, nous attendions les becasses.
Chaque matin l'aine, Simon, me disait: "He, v'la l'vent qui passe a
l'est, y va geler. Dans deux jours, elles viendront."
Le cadet Gaspard, plus precis, attendait que la gelee fut venue pour
l'annoncer.
Or, jeudi dernier, il entra dans ma chambre des l'aurore en criant:
--Ca y est, la terre est toute blanche. Deux jours comme ca et nous
allons a Connelot.
Deux jours plus tard, en effet, nous partions pour Connelot. Certes,
vous auriez ri en nous voyant. Nous nous deplacons dans une etrange
voiture de chasse que mon pere fit construire autrefois. Construire est
le seul mot que je puisse employer en parlant de ce monument voyageur,
ou plutot de ce tremblement de terre roulant. Il y a de tout la dedans:
caisses pour les provisions, caisses pour les armes, caisses pour les
malles, caisses a claire-voie pour les chiens. Tout y est a l'abri,
excepte les hommes, perches sur des banquettes a balustrades, hautes
comme un troisieme etage et portees par quatre roues gigantesques. On
parvient la-dessus comme on peut, en se servant des pieds, des mains et
meme des dents a l'occasion, car aucun marchepied ne donne acces sur cet
edifice.
Donc, les deux d'Orgemol et moi nous escaladons cette montagne, en des
accoutrements de Lapons. Nous sommes vetus de peaux de mouton, nous
portons des bas de laine enormes par-dessus nos pantalons, et des
guetres par-dessus nos bas de laine; nous avons des coiffures en
fourrure noire et des gants en fourrure blanche. Quand nous sommes
installes, Jean, mon domestique, nous jette nos trois bassets, Pif, Paf
et Moustache. Pif appartient a Simon, Paf a Gaspard et Moustache a moi.
On dirait trois petits crocodiles a poil. Ils sont longs, bas, crochus,
avec des pattes torses, et tellement velus qu'ils ont l'air de
broussailles jaunes. A peine voit-on leurs yeux noirs sous leurs
sourcils, et leurs crocs blancs sous leurs barbes. Jamais on ne les
enferme dans
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