j'allais, a grands pas rapides, caressant de la main la tete blonde
des bles qui se penchaient sous mes doigts et me chatouillaient la peau
comme si j'eusse touche des cheveux.
Je contournai un petit promontoire et j'apercus, au fond d'une plage
etroite et ronde, une maison blanche, batie sur trois terrasses qui
descendaient jusqu'a la greve.
Pourquoi la vue de cette maison me fit-elle tressaillir de joie? Le
sais-je? On trouve parfois, en voyageant ainsi, des coins de pays qu'on
croit connaitre depuis longtemps, tant ils vous sont familiers, tant ils
plaisent a votre coeur. Est-il possible qu'on ne les ait jamais vus?
qu'on n'ait point vecu la autrefois? Tout vous seduit, vous enchante,
la ligne douce de l'horizon, la disposition des arbres, la couleur du
sable!
Oh! la jolie maison, debout sur ses hauts gradins! De grands arbres
fruitiers avaient pousse le long des terrasses qui descendaient vers
l'eau, comme des marches geantes. Et chacune portait, ainsi qu'une
couronne d'or, sur son faite, un long bouquet de genets d'Espagne en
fleur!
Je m'arretai, saisi d'amour pour cette demeure. Comme j'eusse aime la
posseder, y vivre, toujours!
Je m'approchai de la porte, le coeur battant d'envie, et j'apercus, sur
un des piliers de la barriere, un grand ecriteau: "_A vendre_."
J'en ressentis une secousse de plaisir comme si on me l'eut offerte,
comme si on me l'eut donnee, cette demeure! Pourquoi? oui, pourquoi? Je
n'en sais rien!
"A vendre." Donc elle n'etait presque plus a quelqu'un, elle pouvait
etre a tout le monde, a moi, a moi! Pourquoi cette joie, cette sensation
d'allegresse profonde, inexplicable? Je savais bien pourtant que je ne
l'acheterais point! Comment l'aurais-je payee? N'importe, elle etait a
vendre. L'oiseau en cage appartient a son maitre, l'oiseau dans l'air
est a moi, n'etant a aucun autre.
Et j'entrai dans le jardin. Oh! le charmant jardin avec ses estrades
superposees, ses espaliers aux longs bras de martyrs crucifies, ses
touffes de genets d'or, et deux vieux figuiers au bout de chaque
terrasse.
Quand je fus sur la derniere, je regardai l'horizon. La petite plage
s'etendait a mes pieds, ronde et sablonneuse, separee de la haute mer
par trois rochers lourds et bruns qui en fermaient l'entree et devaient
briser les vagues aux jours de grosse mer.
Sur la pointe, en face, deux pierres enormes, l'une debout, l'autre
couchee dans l'herbe, un menhir et un dolmen, pareils a deux epoux
etr
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