econnaissait la ligne gracieuse de son visage, les mouvements de sa
bouche, son sourire, et la caresse de son regard. L'enfant surtout le
preoccupait. Comme il etait grand, et fort! Parent ne pouvait apercevoir
la figure, mais seulement de longs cheveux blonds qui tombaient sur le
col en boucles frisees. C'etait Georget, ce haut garcon aux jambes nues,
qui allait, ainsi qu'un petit homme, a cote de sa mere.
Comme ils s'etaient arretes devant un magasin, il les vit soudain
tous les trois. Limousin avait blanchi, vieilli, maigri; sa femme, au
contraire, plus fraiche que jamais, avait plutot engraisse; Georges
etait devenu meconnaissable, si different de jadis!
Ils se remirent en route. Parent les suivit de nouveau, puis les devanca
a grands pas pour revenir; et les revoir, de tout pres, en face. Quand
il passa contre l'enfant, il eut envie, une envie folle de le saisir
dans ses bras et de l'emporter. Il le toucha, comme par hasard. Le petit
tourna la tete et regarda ce maladroit avec des yeux mecontents. Alors
Parent s'enfuit, frappe, poursuivi, blesse par ce regard. Il s'enfuit
a la facon d'un voleur, saisi de la peur horrible d'avoir ete vu et
reconnu par sa femme et son amant. Il alla d'une course jusqu'a sa
brasserie, et tomba, haletant, sur sa chaise.
Il but trois absinthes, ce soir-la.
Pendant quatre mois, il garda au coeur la plaie de cette rencontre.
Chaque nuit il les revoyait tous les trois, heureux et tranquilles,
pere, mere, enfant, se promenant sur le boulevard, avant de rentrer
diner chez eux. Cette vision nouvelle effacait l'ancienne. C'etait autre
chose, une autre hallucination maintenant, et aussi une autre douleur.
Le petit Georges, son petit Georges, celui qu'il avait tant aime et tant
embrasse jadis, disparaissait dans un passe lointain et fini, et il en
voyait un nouveau, comme un frere du premier, un garconnet aux mollets
nus, qui ne le connaissait pas, celui-la! Il souffrait affreusement de
cette pensee. L'amour du petit etait mort; aucun lien n'existait plus
entre eux; l'enfant n'aurait pas tendu les bras en le voyant. Il l'avait
meme regarde d'un oeil mechant.
Puis, peu a peu, son ame se calma encore; ses tortures mentales
s'affaiblirent; l'image apparue devant ses yeux et qui hantait ses nuits
devint indecise, plus rare. Il se remit a vivre a peu pres comme tout le
monde, comme tous les desoeuvres qui boivent des bocks sur des tables
de marbre et usent leurs culottes par le fond sur le v
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