a rudement dehors, vers
l'escalier, ou Limousin attendait par prudence.
Puis il referma la porte, donna deux tours de clef et poussa les
verrous. A peine rentre dans le salon, il tomba de toute sa hauteur sur
le parquet.
II
Parent vecut seul, tout a fait seul. Pendant les premieres semaines qui
suivirent la separation, l'etonnement de sa vie nouvelle l'empecha de
songer beaucoup. Il avait repris son existence de garcon, ses habitudes
de flanerie, et il mangeait au restaurant, comme autrefois. Ayant voulu
eviter tout scandale, il faisait a sa femme une pension reglee par les
hommes d'affaires. Mais, peu a peu, le souvenir de l'enfant commenca a
hanter sa pensee. Souvent, quand il etait seul, chez lui, le soir,
il s'imaginait tout a coup entendre Georges crier "papa". Son coeur
aussitot commencait a battre et il se levait bien vite pour ouvrir la
porte de l'escalier et voir si, par hasard, le petit ne serait pas
revenu. Oui, il aurait pu revenir comme reviennent les chiens et les
pigeons. Pourquoi un enfant aurait-il moins d'instinct qu'une bete?
Apres avoir reconnu son erreur, il retournait s'asseoir dans son
fauteuil, et il pensait au petit. Il y pensait pendant des heures
entieres, des jours entiers. Ce n'etait point seulement une obsession
morale, mais aussi, et plus encore, une obsession physique, un besoin
sensuel, nerveux de l'embrasser, de le tenir, de le manier, de l'asseoir
sur ses genoux, de le faire sauter et culbuter dans ses mains. Il
s'exasperait au souvenir enfievrant des caresses passees. Il sentait les
petits bras serrant son cou, la petite bouche posant un gros baiser sur
sa barbe, les petits cheveux chatouillant sa joue. L'envie de ces douces
calineries disparues, de la peau fine, chaude et mignonne offerte aux
levres, l'affolait comme le desir d'une femme aimee qui s'est enfuie.
Dans la rue, tout a coup, il se mettait a pleurer en songeant qu'il
pourrait l'avoir, trottinant a son cote avec ses petits pieds, son gros
Georget, comme autrefois, quand il le promenait. Il rentrait alors; et,
la tete entre ses mains, sanglotait jusqu'au soir.
Puis, vingt fois, cent fois en un jour il se posait cette question:
"Etait-il ou n'etait-il pas le pere de Georges?" Mais c'etait surtout la
nuit qu'il se livrait sur cette idee a des raisonnements interminables.
A peine couche, il recommencait, chaque soir, la meme serie
d'argumentations desesperees.
Apres le depart de sa femme, il n'avait plus dout
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