, les femmes
croient toutes cela, et c'est ce qui leur donne sur nous la
superiorite de la confiance.
-- Ma mie, vous comprenez mal, fit le prince impatient.
M. de Wardes veut dire que le duc de Buckingham avait ete touche
au coeur par autre chose que par une epee.
-- Ah! bien! bien! s'ecria Madame. Ah! c'est une plaisanterie de
M. de Wardes; fort bien; seulement je voudrais savoir si
M. de Buckingham gouterait cette plaisanterie. En verite, c'est
bien dommage qu'il ne soit point la, monsieur de Wardes.
Un eclair passa dans les yeux du jeune homme.
-- Oh! dit-il les dents serrees, je le voudrais aussi, moi.
De Guiche ne bougea pas.
Madame semblait attendre qu'il vint a son secours.
Monsieur hesitait.
Le chevalier de Lorraine s'avanca et prit la parole.
-- Madame, dit-il, de Wardes sait bien que, pour un Buckingham,
etre touche au coeur n'est pas chose nouvelle, et que ce qu'il a
dit s'est vu deja.
-- Au lieu d'un allie, deux ennemis, murmura Madame, deux ennemis
ligues, acharnes!
Et elle changea la conversation.
Changer de conversation est, on le sait, un droit des princes, que
l'etiquette ordonne de respecter.
Le reste de l'entretien fut donc modere; les principaux acteurs
avaient fini leurs roles.
Madame se retira de bonne heure, et Monsieur, qui voulait
l'interroger, lui donna la main.
Le chevalier craignait trop que la bonne intelligence ne s'etablit
entre les deux epoux pour les laisser tranquillement ensemble.
Il s'achemina donc vers l'appartement de Monsieur pour le
surprendre a son retour, et detruire avec trois mots toutes les
bonnes impressions que Madame aurait pu semer dans son coeur.
De Guiche fit un pas vers de Wardes, que beaucoup de gens
entouraient.
Il lui indiquait ainsi le desir de causer avec lui. De Wardes lui
fit, des yeux et de la tete, signe qu'il le comprenait.
Ce signe, pour les etrangers, n'avait rien que d'amical.
Alors de Guiche put se retourner et attendre.
Il n'attendit pas longtemps. De Wardes, debarrasse de ses
interlocuteurs, s'approcha de de Guiche, et tous deux, apres un
nouveau salut, se mirent a marcher cote a cote.
-- Vous avez fait un bon retour, mon cher de Wardes? dit le comte.
-- Excellent, comme vous voyez.
-- Et vous avez toujours l'esprit tres gai?
-- Plus que jamais.
-- C'est un grand bonheur.
-- Que voulez-vous! tout est si bouffon dans ce monde, tout est si
grotesque autour de nous!
-- Vous avez raison.
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