les blessures sont
a peine fermees.
Bref, il est parti a petites journees, parti pour assister, dit-
il, au curieux spectacle que la Cour ne peut manquer d'offrir sous
peu de temps.
Il a ajoute a ces paroles certaines felicitations, puis certaines
condoleances. Je n'ai pas plus compris les unes que les autres.
J'etais etourdi par mes pensees et par une defiance envers cet
homme, defiance, vous le savez mieux que personne, que je n'ai
jamais pu surmonter.
Mais, lui parti, mon esprit s'est ouvert.
Il est impossible qu'un caractere comme celui de de Wardes n'ait
pas infiltre quelque peu de sa mechancete dans les rapports que
nous avons eus ensemble.
Il est donc impossible que dans toutes les paroles mysterieuses
que M. de Wardes m'a dites, il n'y ait point un sens mysterieux
dont je puisse me faire l'application a moi ou a qui savez.
Force que j'etais de partir promptement pour obeir au roi, je n'ai
point eu l'idee de courir apres M. de Wardes pour obtenir
l'explication de ses reticences; mais je vous expedie un courrier
et vous ecris cette lettre, qui vous exposera tous mes doutes.
Vous, c'est moi: j'ai pense, vous agirez.
M. de Wardes arrivera sous peu: sachez ce qu'il a voulu dire, si
deja vous ne le savez.
Au reste M. de Wardes a pretendu que M. de Buckingham avait quitte
Paris, comble par Madame; c'est une affaire qui m'eut
immediatement mis l'epee a la main sans la necessite ou je crois
me trouver de faire passer le service du roi avant toute querelle.
Brulez cette lettre, que vous remet Olivain.
Qui dit Olivain, dit la surete meme.
Veuillez, je vous prie, mon cher comte, me rappeler au souvenir de
Mlle de La Valliere, dont je baise respectueusement les mains.
Vous, je vous embrasse.
Vicomte de Bragelonne.
P.-S.-- Si quelque chose de grave survenait, tout doit se prevoir,
cher ami, expediez-moi un courrier avec ce seul mot: "Venez", et
je serai a Paris, trente-six heures apres votre lettre recue.
De Guiche soupira, replia la lettre une troisieme fois, et, au
lieu de la bruler, comme le lui avait recommande Raoul, il la
remit dans sa poche.
Il avait besoin de la lire et de la relire encore.
-- Quel trouble et quelle confiance a la fois, murmura le comte;
toute l'ame de Raoul est dans cette lettre; il y oublie le comte
de La Fere, et il y parle de son respect pour Louise! Il m'avertit
pour moi, il me supplie pour lui. Ah! continua de Guiche avec un
geste menacant, vous vous m
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