en France vous payez une patente pour telle ou telle
specialite dans les arts?
--Non; mais le public ne nous permet guere de cumuler. Il veut savoir a
quoi s'en tenir sur notre compte, quand nous sommes jeunes surtout; et, si
j'avais, moi qui vous parle et qui suis fort jeune, le malheur de faire de
vous un bon portrait, j'aurais beaucoup de peine a reussir a la prochaine
exposition avec autre chose que des portraits: de meme que, si je ne
faisais de vous qu'un portrait mediocre, on me defendrait d'en jamais
essayer d'autres: on decreterait que je n'ai pas les qualites de l'emploi,
et que j'ai ete un presomptueux de m'y risquer.
Je racontai a mon Anglais beaucoup d'autres sornettes dont je vous fais
grace, et qui lui firent ouvrir de grands yeux; apres quoi, il se mit a
rire, et je vis clairement que mes raisons lui inspiraient le plus profond
mepris pour la France, sinon pour votre petit serviteur.
--Tranchons le mot, me dit-il. Vous n'aimez pas le portrait.
--Comment! pour quel Welche me prenez-vous? Dites plutot que je n'ose pas
encore faire le portrait, et que je ne saurais pas le faire, vu que, de
deux choses l'une: ou c'est une specialite qui n'en admet pas d'autres, ou
c'est la perfection, et comme qui dirait la couronne du talent. Certains
peintres, incapables de rien composer, peuvent copier fidelement et
agreablement le modele vivant. Ceux-la ont un succes assure, pour peu
qu'ils sachent presenter le modele sous son aspect le plus favorable, et
qu'ils aient l'adresse de l'habiller a son avantage tout en l'habillant a
la mode; mais, quand on n'est qu'un pauvre peintre d'histoire,
tres-apprenti et tres-conteste, comme j'ai l'honneur d'etre, on ne peut
pas lutter contre des gens du metier. Je vous avoue que je n'ai jamais
etudie avec conscience les plis d'un habit noir et les habitudes
particulieres d'une physionomie donnee. Je suis un malheureux inventeur
d'attitudes, de types et d'expressions. Il faut que tout cela obeisse a
mon sujet, a mon idee, a mon reve, si vous voulez. Si vous me permettiez
de vous costumer a ma guise, et de vous poser dans une composition de mon
cru... Encore, tenez, cela ne vaudrait rien, ce ne serait pas vous. Ce ne
serait pas un portrait a donner a votre maitresse... encore moins a votre
femme legitime. Ni l'une ni l'autre ne vous reconnaitraient. Donc, ne me
demandez pas maintenant ce que je saurai pourtant faire un jour, si par
hasard je deviens Rubens ou Titien, parce qu'alor
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