is, qui c'etoient fait aveugler ainsi.
Hayauldoula me dit encore que c'nest point a la Mecque qu'on gagne les
pardons, mais a Meline (Medine), ville ou saint Abraham fist faire une
maison qui y est encoires. [Footnote: Notre voyageur a confondu: c'est a
Medine, et non a la Mecque, qu'est le tombeau de Mahomet; c'est a la
Mecque, et non a Medine, qu'est la pretendue maison d'Abraham, que les
pelerins gagnent les pardons et que se fait le grand commerce.] La maison
est en forme de cloitre, et le pelerins en font le tour.
Quant a la ville, elle est sur le bord de la mer. Les hommes de la terre du
pretre Jean (les Indiens) y apportent sur de gros vaisseaux les epices et
autres marchandises que produit leur pays. C'est la que les Mahometans vont
les acheter. Ils les chargent sur des chameaux ou sur d'autres betes de
somme, et les portent au Caire, a Damas et autres lieux, ainsi qu'on sait.
De la Mecque a Damas il y a quarante journees de marche a travers le
desert; les chaleurs y sont excessives, et la caravane avoit eu plusieurs
personnes etouffees.
Selon l'esclave renegat, celle de Medine doit annuellement etre compossee
de sept cent mille personnes; et quand ce nombre n'est pas complet, Dieu;
pour le remplir, y envoie des agnes. Au grand jour du jugement Mahomet fera
entrer en paradis autant de personnes qu'il voudra, et la ils auront a
discretion du lait et des femmes.
Comme sans cesse j'entendois parler de Mohomet, je voulus savoir sur lui
quelque chose, et m'adressai pour cela a un pretre qui dans Damas etoit
attache au consul des Venitiens, qui disoit souvent la messe a l'hotel
confessoit les marchands de cette nation, et, en cas de danger, regloit
leurs affaires. Je me confessai a lui, je reglai les miennes, et lui
demandai s'il connoissoit l'historie de Mahomet. Il me dit que oui, et
qu'il savoit tout son Alkoran. Alors je le suppliai le mieux qu'il me fut
possible de rediger par ecrit ce qu'il en connoissoit, afin que je pusse le
presenter a monseigneur le duc. [Footnote: Le duc de Bourgogne, auquel
etoit attache la Brocquiere. Par tout ce que cit ici le voyageur on voit
combien peu etoit connu en Europe le fondateur de l'Islamisme et l'auteur
du Koran.] Il le fit avec plaisir, et j'ai apporte avec moi son travail.
Mon projet etoit de me rendre a Bourse. On m'aboucha en consequence avec un
Maure qui s'engagea dam'y conduire en suivant la caravane. Il me demandoit
trente ducats et sa depense: mais on m'avert
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