oran qu'elle avoit. Ce livre est la loi qu'a laissee aux siens
Mahomet. Il etoit enveloppe d'une etoffe de soie peinte et chargee de
lettres morisque, et un chameau le portoit, couvert lui-meme egalement de
soie.
En avant du chameau marchoient quatre menestrels (musiciens) et une grande
quantite de tambours et de nacquaires (timbales) qui faisoient ung hault
bruit. Devant et autour de lui etoient une trentaine d'hommes dont les uns
portoient des arbaletes, les autres des epees nues, d'autres de petits
canons (arquebuses) qu'ils tiroient de temps en temps. [Footnote: L'auteur
ne dit pas si ces arquebuses etoient a fourchette, a meche, a rouet; mais
il est remarquable que nos armes a feu portatives; dont l'invention etoit
encore assez recente en Europe, fussent des-lors en usage chez les
Mahometans d'Asie.] Par derriere suivoient huit vieillards, qui montoient
chacun un chameau de course pres duquel on menoit en lesse leur cheval,
magnifiquement couvert et orne de riches selles, selon la mode du pays.
Apres eux enfin venoit une dame Turque, parente de grand-seigneur: elle
etoit dans une litiere que portoient deux chameaux richement pares et
couverts. Il y avoit plusieurs de ces animaux couverts de drap d'or.
La caravane etoit composee de Maures, de Turcs, Barbes (Barbaresques),
Tartres (Tatars), Persans et autres sectateurs du faux prophete Mahomet.
Ces gens-la pretendent que, quand ils ont fait une fois le voyage de la
Mecque, ils ne peuvent plus etre damnes. Cest ce que m'assura un esclave
renegat. Vulgaire (Bulgare) de naissance, lequel appartenoit a la dame dont
je viens de parler. Il s'appeloit Hayauldoula, ce qui en Turc signifie
serviteur de Dieu, et pretendoit avoir ete trois fois a la Mecque. Je me
liai avec lui, parce qu'il parloit un peu Italien, et souvent meme il me
tenoit compagnie la nuit ainsi que le jour.
Plusieurs fois, dans nos entretiens, je l'interrogeai sur Mahomet, et lui
demandai ou reposoit son corps. Il me repondit que c'etoit a la Mecque; que
la fiertre (chasse) qui le renfermoit se trouvoit dans une chapelle ronde,
ouverte par le haut: que c'etoit par cette ouverture que les pelerins
alloient voir la fiertre, et que parmi eux il y en avoit qui, apres l'avoir
vue, se faisoient crever les yeux, parce qu'apres cela le monde ne pouvait
rien offrir, disoient-ils, qui meritat leur regards. Effectivement il y en
avoit deux dans la troupe, l'un d'environ seize ans, l'autre de vingt-deux
a vingt-tro
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