ance, que par
l'histoire que je lui racontais de la maniere dont elle etait tombee
dans mes mains. C'etait, lui avais-je dit, en passant un jour le long
d'une grande route deserte, que j'avais entendu les cris d'une toute
jeune enfant; abandonnee par ses parents denatures, elle aurait
indubitablement servi de proie aux betes feroces, si je ne l'avais pas
recueillie. De sales haillons l'enveloppaient, la faim et les miseres
de toutes sortes etaient empreintes sur sa figure. J'avais ainsi rempli
pour elle le role de la Providence.
A chaque mot de cette histoire, l'enfant, baignee de larmes venait
m'embrasser en me remerciant.
Enfin le jour ou je devais la conduire a ses parents, sans toutefois la
faire reconnaitre, etait arrive.
Elle etait encore tout emue de la repetition de ce conte. Oh! qu'elle
etait belle avec son costume pittoresque et demi-sauvage que je lui
avais fait confectionner sans regarder au prix lorsque je la conduisis
chez Octave quelques jours apres. J'etais d'ailleurs informe que le
temps pressait, parce qu'il n'avait plus que quelques jours a vivre. Mes
renseignements etaient bien precis, puisqu'en entrant dans la maison,
cette fois j'eus presque peur de mon oeuvre. Jamais le genie du mal ne
peut infliger dans une paisible et heureuse demeure, plus ou meme
autant de douleurs que je leur en ai fait endurer. Pour completer leurs
souffrances, un incendie avait detruit leur grange et toute leur recolte
l'annee precedente; mes espions m'en avaient informe, c'etaient eux qui
y avaient mis le feu d'apres mon ordre.
Les malheureux jeunes gens avaient ete obliges de contracter des dettes
considerables pour reparer les pertes qu'ils avaient subies; ils etaient
donc devenus dans un etat de gene des plus apparentes. Au moment ou
nous arrivames, un pretre avec une nombreuse assistance terminaient
les derniers versets du _De Profondis_. Tout le monde etait triste et
recueilli, et l'on entendait des sanglots de tous cotes, Octave venait
d'expirer. Son cadavre gisait devant moi. Il etait have et defigure au
point que je ne l'aurais point reconnu, si ma haine ne m'eut dit que
c'etait lui.
La priere finie, chacun en essuyant ses larmes disait: Pauvre Octave, si
jeune avec un si long avenir de bonheur devant lui, si plein de force
et de sante et malgre cela deja mort. Quelles douleurs terribles les
malheureux enfants ont endure depuis l'enlevement de leur petite fille,
quelles larmes de sang le desespoir ne leu
|