er ma vie!
--Pendant six mois, c'est bien; mais apres? Rappelez-vous les mariages
de theatre.
--Oh! vous ne connaissez pas Paquerette!
--Oui, c'est un ange; mais les anges ne se marient pas, meme dans le
ciel.
Je ne sais pas pourquoi on donne encore des conseils: le lendemain, les
fiances vinrent chez moi pour m'annoncer le jour de leur mariage et me
prier d'etre un de leurs temoins.
--Jamais! m'ecriai-je; je ne veux pas etre temoin de ces choses-la;
d'ailleurs, je porte malheur; j'ai ete temoin de Roger de Beauvoir,
d'Hector de Callias et d'Olivier Metra. Vous savez l'histoire de ces
hymenees.
--Eh bien! si vous ne voulez pas etre un de nos temoins, vous serez au
moins un de nos convives?
Je ne pouvais pas refuser; j'allai meme a la messe pour voir cette
mariee de theatre, qui me parut un peu trop noire meme sous son voile
blanc; le soir, au diner, elle fut charmante, gentille a croquer pour
son mari, pleine de charme et d'agrement avec tout le monde.
--Apres-tout, me dis-je, en les quittant, il n'est pas impossible qu'ils
ne soient heureux.
Cependant j'avais beau chercher dans mes souvenirs l'histoire des
mariages de theatre, je ne pouvais rebatir la chaumiere de Philemon et
Baucis.
III
Trois ou quatre mois apres, a la mi-juillet, j'allais au Havre prendre
les bains de mer. Apres la mer, la vraie distraction, c'est encore le
theatre. J'aime les cabotins de province; il y a toujours parmi eux des
originalites, des talents en germe, des figures imprevues. A la table
d'hote de Frascati, on parla d'une representation extraordinaire ou
devait debuter Mme Marguerite Bouquet, "des theatres de Paris".
--Il parait qu'elle est fort jolie, dit l'un.
--Oui, dit l'autre; mais il ne faut pas s'y risquer, car son mari est
chef d'orchestre et il a toujours son archet suspendu sur les amoureux
de sa femme. On dit d'ailleurs que c'est une vertu.
--Voila qui est invraisemblable, dit celui-ci.
--Pourquoi pas, dit celui-la, le theatre etant l'ecole des moeurs.
Je ne me fis pas prier pour aller le soir a la representation
extraordinaire. On donnait deux actes des _Contes de la Reine de
Navarre_. Marguerite joua le role de Madeleine Brohan avec beaucoup de
grace et de brio; mais, par malheur, elle etait condamnee a chanter
ensuite je ne sais plus quel role, dans une operette,--et elle avait
perdu sa voix dans la prose de M. Scribe;--aussi l'on n'entendit que des
notes depareillees. Heureusement que so
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