us qu'une seule.
Quand elle s'arracha des bras de M. de La Grange, elle lui dit:
"Portez-moi jusqu'au perron, car je suis morte."
Il la reprit dans ses bras et la porta doucement dans l'antichambre.
Elle retrouva la force de lui dire adieu et de marcher jusqu'au grand
salon.
La, elle tomba sur un fauteuil ou elle demeura quelques heures toute
aneantie, ne trouvant ni une idee ni un mot.
Elle se croyait dans un reve horrible et doux. La premiere parole qui
lui vint aux levres fut:
"C'est impossible! c'est impossible! c'est impossible!" Et elle pressait
sur son coeur les roses baisees par le comedien.
IX
Il etait minuit quand Lucia se leva du fauteuil. Il ne restait plus que
deux bougies allumees dans les candelabres. Elle prit son bougeoir et
l'alluma.
--Trois bougies, se dit-elle, cela porte malheur. Mais quel malheur plus
grand pourrait entrer ici maintenant?
Elle eteignit les lumieres du candelabre.
Sans le vouloir, elle s'approcha de la glace ou elle avait vu la femme
en blanc. Tout a coup elle fit un pas en arriere.
--Cette femme!
Elle avait detourne les yeux, mais elle regarda encore.
--C'est elle! toujours elle! Pourquoi cette croix qui me frappe au
front? Ma mere! ma mere!
Lucia tomba a la renverse, pendant que le bougeoir allait frapper une
table de marbre.
La porte du salon s'ouvrit: c'etait Mlle Agnes qui accourait, toute
inquiete, et qui s'enfuit epouvantee, croyant avoir vu un fantome.
Le lendemain, Mlle Agnes osa entrer dans le grand salon: elle trouva la
jeune fille morte devant la glace.
[Illustration: 198.png]
IL NE FAUT JURER DE RIEN
[Illustration: 201.png]
X
IL NE FAUT JURER DE RIEN
I
Qui ne connait le banquier Karl Oberbach, venu pauvre a Paris il n'y
a pas longtemps, ambassadeur extraordinaire de M. de Bismarck, comme
Vonbergher et autres bonshommes de Francfort ou de Hambourg qui font les
gentilshommes a la Bourse de Paris? M. de Bismarck leur a dit: "Allez,
mes enfants; la France ne nous a donne que cinq milliards, mais il n'en
faudra pas beaucoup comme vous pour achever la ruine de nos voisins."
Une fois en France, ces bonshommes plus ou moins barons se sont figures
qu'ils etaient princes chez nous parce qu'ils avaient les mains pleines
d'or parisien. Comme, grace a Dieu, ils ne sauront jamais le francais,
ils se sont dit entre eux: "Nous sommes quelques-uns," croyant dire:
"Nous sommes quelqu'un."
Oui, bonshommes de Francf
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