-Mon cher maitre, je renonce a Satan, a ses pompes, a ses oeuvres. Je
suis eperdument amoureux de Mlle de Saint-Amant. Nos familles sont des
Capulet et des Montaigu, il faut effacer ces haines par un mariage qui
sauvera ma jeunesse et qui fera la joie de mon coeur.
Le cure, quelque peu surpris, demanda a Arnold ou il avait vu Mlle de
Saint-Amant. Un peu plus Arnold repondait "au bain", mais il se reprit
et dit "a la messe". Ce mot lui regagna le coeur de l'homme en soutane.
--Vous a-t-elle vu?
--Jamais! Mais je sens a mon coeur qu'elle daignera m'ecouter; sa mere
non plus ne sera pas bien feroce, car vous vous souvenez qu'il y a sept
ou huit ans, je l'ai sauvee d'un grand peril en me jetant a la tete de
ses chevaux.
--Oui, mais depuis vous avez chasse sur ses terres. Enfin, puisque c'est
pour le bon motif, je veux bien me mettre en campagne.
--Vous direz a la jeune fille....
--N'allons pas si vite, vous prenez feu et flamme comme un fagot de la
Saint-Jean. Je vous promets d'aller tout a l'heure au chateau.
--Dites a la mere que je fais mes Paques.
Le cure ne put s'empecher de sourire.
--Taisez-vous, profane, ou je ne preche pas pour vous.
Le soir, le cure de Belmarre vint au chateau de Montmartel et conta a
Arnold que tout n'etait pas desespere. La mere avait jete de hauts cris
et la fille avait dit qu'elle sacrifierait bien tous ses aspirants
pour devenir la comtesse de Montmartel. Elle etait offensee de la vie
endiablee de M. Arnold a Paris, mais elle avait une raison pour vouloir
l'epouser. "Quelle raison? avait demandera mere.--C'est mon secret,"
avait repondu la fille.
Quelle pouvait bien etre cette raison? Arnold y perdit son latin et
celui de M. le cure.
V
Je ne dirai pas le mot a mot des preliminaires du mariage. Arnold
s'evertua a triompher de tous les obstacles. Ce ne fut pas sans peine;
il fallut d'abord rapprocher les familles, ce qui se fit grace au genie
de Mlle de Saint-Amant qui mit en avant un grand personnage a qui on
n'avait rien a refuser. On fit dix fois par jour jouer le telegraphe;
les haines s'adoucissent a distance. M. de Montmartel, qui n'etait pas
content d'un fils prodigue, fut presque heureux de le savoir a mi-chemin
d'un mariage avec Mlle de Saint-Amant.
Mme de Montmartel qui etait revenue de Biarritz en toute vapeur presenta
son fils, apres avoir fait une visite quelque peu humiliante a Mme
de Saint-Amant. Beaucoup d'obstacles, beaucoup de _va-et-vient_, de
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