ran avait la paleur de ceux qui ont le coeur inquiet.
Il se troublait chaque fois que Leona disait un mot.
--Voyons, mon ami, reprit-elle, expliquez-moi pourquoi vous n'avez pas
suivi le programme de la maison; qu'avez-vous donc fait depuis un an et
un jour?
Gontran repondit:
--Je vous ai aimee.
L'incomparable n'alla pas embrasser celui-la, mais....
Mais a minuit, quand tout le monde fut parti, elle lui offrit de
chanter, avec elle _Plaisir d'amour_.
[Illustration: 256.png]
DIANE AU BAIN
[Illustration: 259.png]
XIII
DIANE AU BAIN
I
Mr Arnold de Montmartel se ruina avec les actrices, mais surtout avec
Nina la rousse. Que voulez-vous! Il ne respirait bien que dans les
coulisses et les avant-scenes.
Vous la connaissez cette Nina qui se croit comedienne et qui joue tous
ses roles avec ses yeux. On frappa Arnold d'un conseil judiciaire; ce
qui l'obligea bientot a retourner dans ses terres. C'est la supreme
ressource de tous ceux qui veulent vivre en se croisant les bras.
Noblesse oblige--a ne rien faire--hormis le metier de soldat. Arnold
s'y etait risque par son volontariat, disant qu'il se ferait heros si
l'occasion s'en presentait; mais son annee de prise d'armes fut toute
pacifique, et il jugea comme tant d'autres qu'il etait ridicule de
monter a cheval et de porter un sabre pour ne tuer que le temps.
Il revint a Paris et se jeta tete perdue dans le monde ou l'on s'amuse,
faisant du jour la nuit--et de la nuit le jour. On vit son nom trois ou
quatre fois dans les _Echos_ de Paris, parce qu'il eut deux duels et
qu'il fut de deux steeple-chase.
Le vrai steeple-chase, c'etait la course a la comedienne dont il avait
eu le malheur de faire le bonheur, c'est-a-dire la fortune. Maintenant,
il ne lui restait qu'a faire le tour de ses terres ou le-tour de son
chateau,--ou le tour de lui-meme pour se juger.
Il vecut seul pendant trois mois au chateau de Montmartel. Sa mere etait
chez une de ses filles a Biarritz; son pere, ministre de France en
Amerique, ne voulait plus qu'on lui parlat d'un tel fils.
Arnold n'aimait pas les livres, ne voulant lire que le livre de la vie;
aussi il s'ennuyait comme la nuit sans etoiles. Il meditait une nouvelle
bordee, sur Paris. Il ecrivait des lettres tour a tour railleuses et
eplorees a Mlle Nina, laquelle ne lui repondait jamais que par le
telegraphe, cette admirable invention qui nous prive au moins de lire
des romans par lettres.
J'ai
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