voulu, par ces quelques mots, peindre l'etat de l'ame de M. de
Montmartel, que j'ai connu chez une femme a la mode, qui donnait a
diner et qui panachait sa table de viveurs, et de philosophes, dans son
insatiable curiosite.
Arnold se demandait s'il lui faudrait, en attendant qu'une vraie poignee
d'or lui retombat dans la main, se resigner a vivre ainsi en cenobite
dans le chateau silencieux ou l'on s'ennuyait en famille, temoin ses
ancetres en peinture qui semblaient tous jouer le role des chevaliers de
la triste figure.
Dans son desespoir, il appela un de ses amis, un decave comme lui, qui
profita de l'invitation pour dire a ses creanciers--et surtout a ses
creancieres des coulisses--qu'il allait faire un tour dans ses terres:
ce qui reconstitua presque son credit, car jusque-la on ne savait pas
de biens au soleil a ce Gascon, point hableur, ce qui lui donnait un
caractere.
Voila donc les deux amis bras dessus bras dessous dans l'avenue du
chateau.
--C'est merveilleux! ton manoir.
--Oui, mon cher, et bati sur les plans de Du Cerceau.
--Rien que ca? C'est amusant de vivre ici.
--Si amusant, que je m'y ennuie a mourir; mais puisque te voila, nous
nous ennuierons a deux.
--Ou a trois, reprit M. de Versillac, car Nina est bien capable de
pousser une pointe jusqu'ici.
--Oh! il ne faut pas qu'elle s'y hasarde.
--Pourquoi donc?
On etait arrive au haut du perron.
--Tu vas comprendre.
Arnold conduisit Versillac dans l'ancienne salle des gardes, qui n'etait
plus gardee que par les araignees.
--Des ancetres, s'ecria Versillac.
--Tu comprends, mon ami, que ces gens-la fronceraient joliment le
sourcil, si Nina venait leur faire un pied de nez.
--Oh! mon Dieu! jusqu'ici tu t'es si bien moque des remontrances de ton
pere et de ta mere, que tu te fiches pas mal de tes glorieux ascendants.
II
On dejeuna a fond de train. Versillac fit venir la cuisiniere pour la
complimenter; il daigna aussi, quoique Bordelais, feliciter Arnold sur
le vin de Champagne du chateau.
Apres le dejeuner, Arnold eut beau faire pour l'entrainer en pleine
campagne: Versillac avait decide qu'il pecherait a la ligne, il n'en
voulut point demordre, pour s'habituer aux moeurs agrestes ou pour faire
penitence.
On marcha jusqu'a la riviere qui etait au bout du parc. Versillac trouva
bientot un coin favorable pour jeter sa ligne. Arnold continua son
chemin tout en fumant.
A une demi-lieue de la, la riviere jette un d
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