coute une nuit d'insomnie a Worth.
Apres ce sacrifice a sa colere, M. de Marcy devasta toutes les armoires
pour continuer son auto-da-fe.
Ce fut un rude travail; il lui fallut allumer encore deux feux de joie
dans le salon et le petit salon.
La marquise avait sonne, mais lui saisissant la main, il arracha le
cordon de sonnette. Elle avait appele, mais a l'apparition de sa fille
de chambre, il se contenta de lui montrer un revolver pour qu'elle
rebroussat chemin.
Sa femme le sachant aveugle dans ses fureurs, se tint coi, moitie riant,
moitie pleurant, jouant le dedain et la raillerie pour cacher ses
angoisses. Tant de belles robes qu'elle ne reverrait plus! Mme de
Sevigne ne disait-elle pas: "Hormis leurs robes, les femmes n'ont point
d'amies!" Et puis, pour la premiere fois, Mme de Marcy voyait le peril
de son equipee.
Au bout d'une heure,--un siecle pour la pauvre femme,--toutes les robes
etaient brulees. M. de Marcy, content de son oeuvre, dit a la marquise:
--Maintenant, allez vous promener!
--Monsieur, lui repondit-elle, croyez bien que j'irai me promener. Si on
me voit toute nue, ce ne sera pas ici; je vous jure que ce beau corps,
dont vous etes indigne, sera vu par tout le monde, excepte par vous.
Et elle descendit du lit pour braver son mari. Ce que voyant, et plus
furieux encore, il saisit un eventail pour fouetter la marquise.
Au premier coup, l'eventail se brisa, comme s'il se refusait a ce crime
de lese-beaute. Le mari prit ensuite une ombrelle, qui ne fit pas un
plus long service.
Et toujours sa femme le bravait, le frappant de ses yeux, qui pointaient
comme deux epees.
--Brisez tout sur moi, mais ne me touchez pas de vos mains, ou j'ouvre
la fenetre pour appeler tout le monde au spectacle!
M. de Marcy etait au bout de ses coleres; il se sentait chanceler,
comme s'il dut s'evanouir; il sortit pour aller se recueillir chez sa
maitresse, qui etait son conseil de famille.
La marquise se couvrit d'un chale et marcha a pas de loup a la rencontre
de sa fille de chambre. En effet, elle la vit reparaitre aussitot.
--Antonine, vous allez me retrouver une robe noire parmi celles que je
vous ai donnees.
Antonine comprit et revint bientot avec une robe noire a la main.
Mme de Marcy la mit en toute hate et descendit l'escalier quatre
a quatre, nouant son chapeau, sans avoir noue ses souliers. Ou
alla-t-elle?
Ne le devinez-vous pas? Elle alla tout droit chez M. Georges Marmont.
Jusqu
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