me.
--Oh! je ne m'y fie pas! Une femme qui a ses debuts joue si bien les
travestis est capable de se risquer dans une seconde aventure pour voir
s'il n'y a pas d'autres lunes de miel que celles du mariage.
[Illustration: 168.png]
LES VISIONS DE LUCIA
[Illustration: 171.png]
IX
LES VISIONS DE LUCIA
I
Adieu! Lucia. N'oublie pas la legende du bien et du mal.
C'etait la vicomtesse d'Harcours qui parlait ainsi a sa fille.
Lucia, toute eploree, les cheveux epars, etouffant ses sanglots,
soulevait la mourante dans ses bras. "Ma mere, ma mere, je ne veux
pas que tu meures." Mais la mort etait la qui prit la mere et toucha
l'enfant.
Lucia avait quinze ans. On l'avait appelee du couvent sur l'ordre de la
comtesse qui ne voulait pas mourir sans revoir une derniere fois cette
adorable figure de vierge, detachee des fresques de l'Ange de Fiesole.
Elles n'etaient plus que deux au monde, la mere et la fille. La mere
retourna a Dieu, la fille retourna au couvent. Le chateau d'Harcours,
cette belle ruine solitaire de l'Orleanais, ne fut plus hante que par
les chouettes.
Pourquoi la mere mourait-elle si jeune et pourquoi parlait-elle de la
legende du bien et du mal? On disait la-bas que son mari s'etait tue
a ses pieds par jalousie et qu'il se vengeait au dela du tombeau. On
disait aussi que sa vengeance frapperait Lucia qui portait son nom, mais
qui n'etait pas sa fille.
Jusqu'a dix-sept ans, Lucia, toute en Dieu, ne pensa qu'a revetir la
sombre robe des carmelites; mais, tout d'un coup, il y eut un reveil
dans cette jeune fille. C'est que ce jour-la elle se vit belle dans son
miroir. Il lui sembla qu'elle etait appelee, elle aussi, aux joies de la
vie.
Elle avait une tante a Paris, une mondaine prodigue, qui comptait deja
sur la fortune de la carmelite pour doter ses filles; aussi ne fut-elle
pas peu surprise d'apprendre que sa niece etait retournee au chateau
d'Harcours.
Elle lui ecrivit et lui representa qu'elle etait bien jeune pour habiter
une pareille solitude. Mais la jeune Lucia repondit que cette solitude
lui etait douce pour vivre dans le souvenir de son pere tue a la
bataille d'Orleans, et de sa mere morte en pleurant son pere; ces deux
souvenirs seraient sa sauvegarde.
C'etait au temps des vacances, la tante emmena ses filles au chateau
pour revoir de pres cette jeune folle qui voulait vivre de la vie et non
s'enterrer vivante. Lucia fut charmante pour sa tante et ses cousin
|