erribles qui inquietaient
les coeurs.
Quand elle fut au bout de sa fantaisie, elle demanda a Bouquet s'il
etait musicien:
--Comme tout le monde. Mieux que tout le monde!
Un peu plus, ils allaient passer la matinee a ce jeu, mais j'y mis bon
ordre.
--Mes enfants, allons-nous-en chacun a notre gagne-pain.
Paquerette vint a moi et me dit tout bas:
--Il est bien gentil, votre ami.
--N'est-ce pas? N'allez pas mettre la main sur lui, car il serait perdu.
C'est une ame tendre et candide; vous ne feriez qu'une bouchee de son
coeur, petite malheureuse que vous etes.
--Allons donc! je suis un agneau. Si je n'avais une vertu a tout
casser, je me laisserais egorger tous les soirs pendant et apres la
representation.
--C'est egal, je ne veux pas vous le confier. Elle se retourna vers
Bouquet.
--Monsieur, lui dit-elle, puisqu'on nous met a la porte, voulez-vous
m'offrir votre bras?
Je voulais les separer, mais il etait trop tard, ils se seraient
retrouves au coin de la rue.
Le ciel menacait d'une averse.
--Comme ca se trouve, dit-elle; le petit violon a un parapluie.
--Oh! dit-il en souriant, j'ai encore de quoi vous offrir un fiacre.
Parapluie ou fiacre, ce fut leur premier voyage de fiancailles. Que Dieu
les conduise! dis-je en allumant une cigarette.
II
Quelques jours apres cette rencontre inattendue, j'allai au theatre
Beaumarchais, ou l'on representait un drame a fracas d'un autre de mes
amis.
Je ne fus pas trop surpris de reconnaitre Bouquet sous l'habit d'un
seigneur de la cour de Charles VII, amoureux de Paquerette, qui jouait
le role d'Agnes Sorel.
--Comment, vous voila comedien?
--Il le fallait bien. Agnes Sorel a toujours besoin de mon parapluie, et
il pleut tous les jours.
Le bonheur rayonnait sur son front comme sur celui de Paquerette, qui
s'approcha de nous.
--A la bonne heure, dis-je; j'aime a croire que vous avez fait publier
vos bans?
Les amoureux prirent un air de gravite.
--Nous n'y pensions pas d'abord, dit Bouquet, mais nous nous aimons
tant, que nous sommes decides a nous marier.
--Apres les noces?
--Vous etes trop curieux, dit Paquerette; mais vous saurez que je suis
arrivee a lui digne de porter la couronne d'oranger.
--C'est incroyable, mais je vous crois.
On allait entrer en scene.
--Mon ami, dis-je a Bouquet, tout cela est fort beau; mais puisque vous
etes si heureux, ne vous mariez pas.
--Oh! je l'aime tant, que je veux lui sacrifi
|