ne demi-heure, je viens me mettre a vos ordres.
-- Je vous remercie, monsieur.
-- Ne m'en veuillez pas si je suis ponctuel.
-- Je ne vous ferai pas attendre.
Bourrienne partit.
Madame de Montrevel habilla d'abord Edouard puis s'habilla elle-
meme, et, quand Bourrienne reparut, depuis cinq minutes elle etait
prete.
-- Prenez garde, madame, dit Bourrienne en riant, que je ne fasse
part au premier consul de votre ponctualite.
-- Et qu'aurais-je a craindre dans ce cas?
-- Qu'il ne vous retint pres de lui pour donner des lecons
d'exactitude a madame Bonaparte.
-- Oh! fit madame de Montrevel, il faut bien passer quelque chose
aux creoles.
-- Mais vous etes creole aussi, madame, a ce que je crois.
-- Madame Bonaparte, dit en riant madame de Montrevel, voit son
mari tous les jours, tandis que, moi, je vais voir le premier
consul pour la premiere fois.
-- Partons! partons, mere! dit Edouard.
Le secretaire s'effaca pour laisser passer madame de Montrevel.
Un quart d'heure apres, on etait au Luxembourg.
Bonaparte occupait, au petit Luxembourg, l'appartement du rez-de-
chaussee a droite; Josephine avait sa chambre et son boudoir au
premier etage; un couloir conduisait du cabinet du premier consul
chez elle.
Elle etait prevenue, car, en apercevant madame de Montrevel, elle
lui ouvrit ses bras comme a une amie.
Madame de Montrevel s'etait arretee respectueusement a la porte.
-- Oh! venez donc! venez, madame dit Josephine; je ne vous connais
pas d'aujourd'hui, mais du jour ou j'ai connu votre digne et
excellent Roland. Savez-vous une chose qui me rassure quand
Bonaparte me quitte? C'est que Roland le suit, et que, quand je
sais Roland pres de lui, je crois qu'il ne peut plus lui arriver
malheur... Eh bien, vous ne voulez pas m'embrasser?
Madame de Montrevel etait confuse de tant de bonte.
-- Nous sommes compatriotes, n'est-ce pas? continua-t-elle. Oh! je
me rappelle parfaitement M. de la Clemenciere, qui avait un si
beau jardin et des fruits si magnifiques! Je me rappelle avoir
entrevu une belle jeune fille qui en paraissait la reine. Vous
vous etes mariee bien jeune, madame?
-- A quatorze ans.
-- Il faut cela pour que vous ayez un fils de l'age de Roland;
mais asseyez-vous donc!
Elle donna l'exemple en faisant signe a madame de Montrevel de
s'asseoir a ses cotes.
-- Et ce charmant enfant, continua-t-elle en montrant Edouard,
c'est aussi votre fils?...
Elle poussa un soupir.
|