ajouta l'autre paysan; attendez que vous ayez de la barbe
au menton, mon petit monsieur.
-- Je n'ai pas de barbe au menton, repondit Edouard en se
redressant; mais cela n'empeche point que, si j'etais assez fort
pour porter le sanglier, je l'irais bien chercher tout seul, que
ce fut le jour ou la nuit.
-- Grand bien vous fasse, mon jeune monsieur; mais voila mon
camarade et moi qui vous disons que, pour un louis, nous n'irions
pas.
-- Mais pour deux? dit Roland, qui voulait les pousser a bout.
-- Ni pour deux, ni pour quatre, ni pour dix, monsieur de
Montrevel. C'est bon, dix louis; mais qu'est-ce que je ferais de
vos dix louis quand j'aurais le cou tordu?
-- Oui, le cou tordu comme Pierre Marey, dit le second paysan.
-- Ce n'est pas vos dix louis qui donneront du pain a ma femme et
a mes enfants pour le restant de leurs jours, n'est-ce pas?
-- Et encore, quand tu dis dix louis, reprit le second paysan,
cela ne serait que cinq, puisqu'il y en aurait cinq pour moi.
-- Alors, il revient des fantomes dans le pavillon? demanda
Roland.
-- Je ne dis pas dans le pavillon -- dans le pavillon, je n'en
suis pas sur -- mais dans la chartreuse...
-- Dans la chartreuse, tu en es sur?
-- Oh! oui, la, bien certainement.
-- Tu les as vus?
-- Pas moi; mais il y a des gens qui les ont vus.
-- Ton camarade? demanda le jeune officier en se tournant vers le
second paysan.
-- Je ne les ai pas vus; mais j'ai vu des flammes, et Claude
Philippon a entendu des chaines.
-- Ah! il y a des flammes et des chaines? demanda Roland.
-- Oui! et, quant aux flammes, dit le premier paysan, je les ai
vues, moi.
-- Et Claude Philippon a entendu les chaines, repeta le premier.
-- Tres bien, mes amis, tres bien, reprit Roland d'un ton
goguenard; donc, a aucun prix, vous n'irez ce soir?
-- A aucun prix.
-- Pas pour tout l'or du monde.
-- Et vous irez demain au jour?
-- Oh! monsieur Louis, avant que vous soyez leve, le sanglier sera
ici.
-- Il y sera que vous ne serez pas leve, repondit l'echo.
-- Eh bien, fit Roland, venez me revoir apres-demain.
-- Volontiers, monsieur Louis; pourquoi faire?
-- Venez toujours.
-- Oh! nous viendrons.
-- C'est-a-dire que, du moment ou vous nous dites: "Venez!" vous
pouvez etre sur que nous n'y manquerons pas, monsieur Louis.
-- Eh bien, moi, je vous en donnerai des nouvelles sures.
-- De qui?
-- Des fantomes.
Amelie jeta un cri etouffe; madame de Montr
|