min sans hater le pas.
Roland, un instant etonne, descendit de son estrade et se mit
resolument a la poursuite du fantome.
Le chemin etait difficile, encombre qu'il se presentait de
pierres, de bancs mis en travers, de tables renversees.
Et cependant on eut dit qu'a travers tous ces obstacles un sentier
invisible etait trace pour le spectre, qui marchait du meme pas
sans que rien l'arretat.
Chaque fois qu'il passait devant une fenetre, la lumiere
exterieure, si faible qu'elle fut, se reflechissait sur ce
linceul, et le fantome dessinait ses contours, qui, la fenetre
franchie, se perdaient dans l'obscurite pour reparaitre bientot et
se perdre encore.
Roland, l'oeil fixe sur celui qu'il poursuivait, craignant de le
perdre de vue s'il en detachait un instant son regard, ne pouvait
interroger du regard ce chemin si facile au spectre et si herisse
d'obstacles pour lui.
A chaque pas, il trebuchait; le fantome gagnait sur lui.
Le fantome arriva pres de la porte opposee a celle par laquelle il
etait entre, Roland vit s'ouvrir l'entree d'un corridor obscur; il
comprit que l'ombre allait lui echapper.
-- Homme ou spectre, voleur ou moine, dit-il, arrete, ou je fais
feu!
-- On ne tue pas deux fois le meme corps, et la mort, tu le sais
bien, continua le fantome d'une voix sourde, n'a pas de prise sur
les ames.
-- Qui es-tu donc? demanda Roland.
-- Je suis le spectre de celui que tu as violemment arrache de ce
monde.
Le jeune officier eclata de rire, de son rire strident et nerveux
rendu plus effrayant encore dans les tenebres.
-- Par ma foi, dit-il, si tu n'as pas d'autre indication a me
donner, je ne prendrai pas meme la peine de chercher, je t'en
previens.
-- Rappelle-toi la fontaine de Vaucluse, dit le fantome avec un
accent si faible, que cette phrase sembla sortir de sa bouche
plutot comme un soupir que comme des paroles articulees.
Un instant, Roland sentit, non pas son coeur faiblir, mais la
sueur perler a son front; par une reaction sur lui-meme, il reprit
sa force, et, d'une voix menacante:
-- Une derniere fois, apparition ou realite, cria-t-il, je te
previens que, si tu ne m'attends pas, je fais feu.
Le spectre fut sourd et continua son chemin.
Roland s'arreta une seconde pour viser: le spectre etait a dix pas
de lui: Roland avait la main sure, c'etait lui-meme qui avait
glisse la balle dans le pistolet, un instant auparavant; il venait
de passer la baguette dans les canons pou
|