q rois de
France, ce n'est plus un dictatoriat, c'est un attelage.
-- En tout cas, jusqu'a present, il n'a laisse apercevoir que
cela; mais, vous savez, mon cher ami, avec notre general, quand on
veut savoir, il faut deviner.
-- Ah! ma foi, je suis trop paresseux pour prendre cette peine,
Bourrienne; moi, je suis un veritable janissaire: ce qu'il fera
sera bien fait. Pourquoi diable me donnerais-je la peine d'avoir
une opinion, de la debattre, de la defendre? C'est deja bien assez
ennuyeux de vivre.
Et le jeune homme appuya cet aphorisme d'un long baillement; puis
il ajouta, avec l'accent d'une profonde insouciance:
-- Croyez-vous que l'on se donnera des coups de sabre, Bourrienne?
-- C'est probable.
-- Eh bien, il y aura une chance de se faire tuer; c'est tout ce
qu'il me faut. Ou est le general?
-- Chez madame Bonaparte; il est descendu il y a un quart d'heure.
Lui avez-vous fait dire que vous etiez arrive?
-- Non, je n'etais point fache de vous voir d'abord. Mais, tenez,
j'entends son pas: le voici.
Au meme moment, la porte s'ouvrit brusquement, et le meme
personnage historique que nous avons vu remplir incognito a
Avignon un role silencieux, apparut sur le seuil de la porte dans
son costume pittoresque de general en chef de l'armee d'Egypte.
Seulement, comme il etait chez lui, la tete etait nue.
Roland lui trouva les yeux plus caves et le teint plus plombe
encore que d'habitude.
Cependant, en apercevant le jeune homme, l'oeil sombre ou plutot
meditatif de Bonaparte lanca un eclair de joie.
-- Ah! c'est toi, Roland! dit-il; fidele comme l'acier; on
t'appelle, tu accours. Sois le bienvenu.
Et il tendit la main au jeune homme.
Puis, avec un imperceptible sourire:
-- Que fais-tu chez Bourrienne?
-- Je vous attends, general.
-- Et, en attendant, vous bavardez comme deux vieilles femmes.
-- Je vous l'avoue, general; je lui montrais mon ordre d'etre ici
le 16 brumaire.
-- J'ai je ecrit le 16 ou le 17?
-- Oh! le 16 general; le 17, c'eut ete trop tard.
-- Pourquoi trop tard le 17?
-- Dame, s'il y a, comme l'a dit Bourrienne, de grands projets
pour le 18.
-- Bon! murmura Bourrienne, voila mon ecervele qui va me faire
laver la tete.
-- Ah! il t'a dit que j'avais de grands projets pour le 18?
Il alla a Bourrienne, et, le prenant par l'oreille:
-- Portiere! lui dit-il.
Puis a Roland:
-- Eh bien, oui, mon cher, nous avons de grands projets pour le
18: nous dinon
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