ilite, cette seance va disposer du sort
de la France?... Ah! citoyen Fouche, vous etes un ministre de la
police bien maladroit ou plutot bien adroit!
-- Avez-vous des ordres a me donner citoyen president? demanda
Fouche.
-- Aucun, citoyen ministre, repondit le president. Si le
Directoire juge a propos de donner des ordres, il les donnera a
des hommes qu'il croira dignes de sa confiance. Vous pouvez
retourner vers ceux qui vous envoient, ajouta-t-il en tournant le
dos a son interlocuteur.
Fouche sortit. Gohier sonna aussitot.
Un huissier entra.
-- Passez chez Barras, chez Sieyes, chez Ducos et chez Moulin, et
invitez-les a se rendre a l'instant meme chez moi... Ah! prevenez
en meme temps, madame Gohier de passer dans mon cabinet et
d'apporter la lettre de madame Bonaparte qui nous invite a
dejeuner.
Cinq minutes apres, madame Gohier entrait, la lettre a la main et
tout habillee; l'invitation etait pour huit heures du matin; il
etait plus de sept heures et demie, et il fallait vingt minutes au
moins pour aller du Luxembourg a la rue de la Victoire.
-- Voici, mon ami, dit madame Gohier en presentant la lettre a son
mari; c'est pour huit heures.
-- Oui, repondit Gohier, je ne doute pas de l'heure, mais du jour.
Et, prenant la lettre des mains de sa femme, il relut:
"Venez, mon cher Gohier et votre femme, dejeuner demain avec moi,
a huit heures du matin... n'y manquez pas... j'ai a causer avec
vous sur des choses tres interessantes."
-- Ah! continua-t-il, il n'y a pas a s'y tromper!
-- Eh bien, mon ami, y allons-nous? demanda madame Gohier.
-- Toi, tu y vas, mais pas moi. Il nous survient un evenement
auquel le citoyen Bonaparte n'est probablement pas etranger, et
qui nous retient, mes collegues et moi au Luxembourg.
-- Un evenement grave?
-- Peut-etre.
-- Alors, je reste pres de toi.
-- Non pas: tu ne peux m'etre d'aucune utilite. Va chez madame
Bonaparte; je me trompe peut-etre, mais, s'il s'y passe quelque
chose d'extraordinaire et qui te paraisse alarmant, fais-le-moi
savoir par un moyen quelconque; tout sera bon, je comprendrai a
demi-mot.
-- C'est bien, mon ami, j'y vais; l'espoir de t'etre utile la-bas
me decide.
-- Va!
En ce moment l'huissier rentra.
-- Le general Moulin me suit, dit-il; le citoyen Barras est au
bain et va venir; les citoyens Sieyes et Ducos sont sortis a cinq
heures du matin et ne sont point rentres.
-- Voila les deux traitres! dit Gohier. Barra
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