e une grande carte du Piemont etendue a
terre et eclairee par une lampe suspendue au plafond.
-- Oui, je la vois, repondit Roland, habitue a suivre son general
dans tous les bonds inattendus de son genie; seulement, c'est une
carte du Piemont.
-- Oui, c'est une carte du Piemont.
-- Ah! Il est donc question de l'Italie?
-- Il est toujours question de l'Italie.
-- Je croyais qu'il s'agissait de la Vendee?
-- Secondairement.
-- Ah ca, general, vous n'allez pas m'envoyer dans la Vendee et
vous en aller en Italie, vous?
-- Non, sois tranquille.
-- A la bonne heure! Je vous previens que, dans ce cas la, je
deserte et vous rejoins.
-- Je te le permets; mais revenons a Melas.
-- Pardon, general, c'est la premiere fois que nous en parlons.
-- Oui; mais il y a longtemps que j'y pense. Sais-tu ou je bats
Melas?
-- Parbleu!
-- Ou cela?
-- Ou vous le rencontrerez.
Bonaparte se mit a rire.
-- Niais! dit-il avec la plus intime familiarite.
Puis se couchant sur la carte:
-- Viens ici, dit-il a Roland.
Roland se coucha a cote de lui.
-- Tiens, reprit Bonaparte, voila ou je le bats.
-- Pres d'Alexandrie?
-- A deux ou trois lieues. Il a a Alexandrie ses magasins, ses
hopitaux, son artillerie, ses reserves; il ne s'en eloignera pas.
Il faut que je frappe un grand coup, je n'obtiendrai la paix qu'a
cette condition. Je passe les Alpes -- il montra le grand Saint-
Bernard -- je tombe sur Melas au moment ou il s'y attend le moins,
et je le bats a plate couture.
-- Oh! je m'en rapporte bien a vous pour cela.
-- Mais, tu comprends, pour que je m'eloigne tranquille, Roland,
pas d'inflammation d'entrailles, c'est-a-dire pas de Vendee
derriere moi.
-- Ah! voila votre affaire: pas de Vendee! et vous m'envoyez en
Vendee pour que je supprime la Vendee.
-- Ce jeune homme m'a dit de la Vendee des choses tres graves. Ce
sont de braves soldats que ces Vendeens conduits par un homme de
tete; il y a Georges Cadoudal surtout... Je lui ai fait offrir un
regiment, qu'il n'acceptera pas.
-- Peste! il est bien degoute.
-- Mais il y a une chose dont il ne se doute point.
-- Qui, Cadoudal?
-- Cadoudal. C'est que l'abbe Bernier, m'a fait des ouvertures.
-- L'abbe Bernier?
-- Oui.
-- Qu'est-ce que c'est que cela, l'abbe Bernier?
-- C'est le fils d'un paysan de l'Anjou, qui peut avoir
aujourd'hui de trente-trois a trente-quatre ans, qui etait cure a
Saint-Laud a Angers lors de l'in
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