n chef. Demain, tu reviendras prendre le tout
chez moi; uniforme et cheval. Je demeure rue du Cherche-Midi, N deg.
11.
-- Et il ne m'arrivera rien?
-- Si fait, tu seras nomme brigadier.
-- Bon! fit l'artilleur.
Et il remit son habit et son cheval au general Debel.
Pendant ce temps, Bonaparte avait entendu causer au-dessus de lui;
il avait leve la tete et avait vu Joseph et Bernadotte a sa
fenetre.
-- Une derniere fois, general, dit-il a Bernadotte, voulez-vous
venir avec moi?
-- Non, lui repondit fermement celui-ci.
Puis, a voix basse:
-- Vous m'avez dit tout a l'heure de prendre garde? dit
Bernadotte.
-- Oui.
-- Eh bien, je vous le dis a mon tour, prenez garde.
-- A quoi?
-- Vous allez aux Tuileries?
-- Sans doute.
-- Les Tuileries sont bien pres de la place de la Revolution.
-- Bah! dit Bonaparte, la guillotine a ete transferee a la
barriere du Trone.
-- Qu'importe! c'est toujours le brasseur Santerre qui commande au
faubourg Saint-Antoine, et Santerre est farci de Moulin.
-- Santerre est prevenu qu'au premier mouvement qu'il tente, je le
fais fusiller. Venez-vous?
-- Non.
-- Comme vous voudrez. Vous separez votre fortune de la mienne;
mais je ne separe pas la mienne de la votre.
Puis, s'adressant a son piqueur:
-- Mon cheval, dit-il
On lui amena son cheval.
Mais, voyant un simple artilleur pres de lui:
-- Que fais-tu la, au milieu des grosses epaulettes? dit-il.
L'artilleur se mit a rire.
-- Vous ne me reconnaissez pas, general? dit-il.
-- Ah! par ma foi, c'est vous, Debel! Et a qui avez-vous pris ce
cheval et cet uniforme?
-- A cet artilleur que vous voyez la, a pied et en bras de
chemise. Il vous en coutera un brevet de brigadier.
-- Vous vous trompez, Debel, dit Bonaparte, il m'en coutera deux:
un de brigadier et un de general de division. En marche,
messieurs! nous allons aux Tuileries.
Et, courbe sur son cheval, comme c'etait son habitude, sa main
gauche tenant les renes laches, son poignet droit appuye sur sa
cuisse, la tete inclinee, le front reveur, le regard perdu, il fit
les premiers pas sur cette pente glorieuse et fatale a la fois,
qui devait le conduire au trone... et a Sainte-Helene.
XXIV -- LE 18 BRUMAIRE
En debouchant dans la rue de la Victoire, Bonaparte trouva les
dragons de Sebastiani ranges en bataille.
Il voulut les haranguer; mais ceux-ci, l'interrompant aux premiers
mots:
-- Nous n'avons pas besoin d'expli
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