ence?
-- Vous voulez dire au roi Louis XVIII?
-- Ne chicanons pas sur les mots; a celui qui m'a ecrit.
-- Son envoye est au camp des Aubiers.
-- Eh bien! je change d'avis, je lui reponds; ces Bourbons sont si
aveugles, que celui-la interpreterait mal mon silence.
Et Bonaparte, s'asseyant a son bureau, ecrivit la lettre suivante
avec une application indiquant qu'il tenait a ce qu'elle fut
lisible.
"J'ai recu, monsieur, votre lettre; je vous remercie de la bonne
opinion que vous y exprimez sur moi. Vous ne devez pas souhaiter
votre retour en France, il vous faudrait marcher sur cent mille
cadavres; sacrifiez votre interet au repos et au bonheur de la
France, l'histoire vous en tiendra compte. Je ne suis point
insensible aux malheurs de votre famille, et j'apprendrai avec
plaisir que vous etes environne de tout ce qui peut contribuer a
la tranquillite de votre retraite.
"BONAPARTE."
Et, pliant et cachetant la lettre, il ecrivit l'adresse: _A
monsieur le comte de Provence, _la remit a Morgan, puis appela
Roland, comme s'il pensait bien que celui-ci n'etait pas loin.
-- General?... demanda le jeune officier, paraissant en effet au
meme instant.
-- Reconduisez monsieur jusque dans la rue, dit Bonaparte; jusque-
la, vous repondez de lui.
Roland s'inclina en signe d'obeissance, laissa passer le jeune
homme, qui se retira sans prononcer une parole, et sortit derriere
lui.
Mais, avant de sortir, Morgan jeta un dernier regard sur
Bonaparte.
Celui-ci etait debout, immobile, muet et les bras croises, l'oeil
fixe sur ce poignard, qui preoccupait sa pensee plus qu'il ne
voulait se l'avouer a lui-meme.
En traversant la chambre de Roland, le chef des compagnons de Jehu
reprit son manteau et ses pistolets.
Tandis qu'il les passait a sa ceinture:
-- Il parait, lui dit Roland, que le citoyen premier consul vous a
montre le poignard que je lui ai donne.
-- Oui, monsieur, repondit Morgan.
-- Et vous l'avez reconnu?
-- Pas celui-la particulierement... tous nos poignards se
ressemblent.
-- Eh bien! fit Roland, je vais vous dire d'ou il vient.
-- Ah!... Et d'ou vient-il?
-- De la poitrine d'un de mes amis, ou vos compagnons, et peut-
etre vous-meme l'aviez enfonce.
-- C'est possible, repondit insoucieusement le jeune homme; mais
votre ami se sera expose a ce chatiment.
-- Mon ami a voulu voir ce qui ce passait la nuit dans la
chartreuse de Seillon.
-- Il a eu tort.
-- Mais, moi,
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