ndre que j'aime, dit Morgan, et que mon coeur
est trop etroit pour une haine et deux amours.
Et il continua sa recherche.
Deux jeunes gens qui discutaient, l'un disant: "C'est un Anglais"
l'autre disant: "C'est un Allemand" arreterent Morgan:
-- Ah! pardieu! dit l'un, voila l'homme qui peut nous tirer
d'embarras.
-- Non, repondit Morgan en essayant de rompre la barriere qu'ils
lui opposaient, car je suis presse.
-- Il n'y a qu'un mot a repondre, dit l'autre. Nous venons de
parier, Saint-Amand et moi, que l'homme juge et execute dans la
chartreuse de Seillon etait selon lui un Allemand, selon moi un
Anglais.
-- Je ne sais, repondit Morgan; je n'y etais pas. Adressez-vous a
Hector; c'est lui qui presidait ce soir-la.
-- Dis-nous alors ou est Hector?
-- Dites-moi plutot ou est Tiffauges; je le cherche.
-- La-bas, au fond, dit le jeune homme en indiquant un point de la
salle ou la contredanse bondissait plus joyeuse et plus animee. Tu
le reconnaitras a son gilet; son pantalon, non plus, n'est point a
dedaigner, et je m'en ferai faire un pareil avec la peau du
premier mathevon a qui j'aurai affaire.
Morgan ne prit point le temps de demander ce que le gilet de
Tiffauges avait de remarquable, et par quelle coupe bizarre ou
quelle etoffe precieuse son pantalon avait pu obtenir
l'approbation d'un homme aussi expert en pareille matiere que
l'etait celui qui lui adressait la parole. Il alla droit au point
indique par le jeune homme, et vit celui qu'il cherchait dansant
un pas d'ete qui semblait, par son habilete et son tricotage,
qu'on me pardonne ce terme technique, sorti des salons de Vestris
lui-meme.
Morgan fit un signe au danseur.
Tiffauges s'arreta a l'instant meme, salua sa danseuse, la
reconduisit a sa place, s'excusa sur l'urgence de l'affaire qui
l'appelait, et vint prendre le bras de Morgan.
-- L'avez-vous vu? demanda Tiffauges a Morgan.
-- Je le quitte, repondit celui-ci.
-- Et vous lui avez remis la lettre du roi?
-- A lui-meme.
-- L'a-t-il lue?
-- A l'instant.
-- Et il a fait une reponse?
-- Il en a fait deux, une verbale et une ecrite; la seconde
dispense de la premiere.
-- Et vous l'avez?
-- La voici.
-- Et savez-vous le contenu?
-- C'est un refus.
-- Positif?
-- Tout ce qu'il y a de plus positif.
-- Sait-il que, du moment ou il nous ote tout espoir, nous le
traitons en ennemi?
-- Je le lui ai dit.
-- Et il a repondu?
-- Il n'a pas repondu
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