eur sanglant qui servait
de point de reconnaissance aux Vendeens.
Morgan examina les deux objets avec la plus grande attention, mais
l'examen fut infructueux.
-- Si je n'etais pas si presse, dit-il, je voudrais en avoir le
coeur net et ne m'en rapporter qu'a mes propres lumieres; mais,
vous avez entendu, il est probablement arrive quelques nouvelles
au comite; c'est de l'argent que vous pouvez annoncer a Cadoudal:
seulement, il faut l'aller prendre. Je commande d'ordinaire ces
sortes d'expeditions, et, si je tardais, un autre se presenterait
a ma place. Dites-moi donc quel est le tissu dont vous etes
habille?
-- Mon cher Morgan, dit le Vendeen, vous avez peut-etre entendu
dire que mon frere avait ete pris aux environs de Bressuire et
fusille par les bleus?
-- Oui, je sais cela.
-- Les bleus etaient en retraite; ils laisserent le corps au coin
d'une haie; nous les poursuivions l'epee dans les reins, de sorte
que nous arrivames derriere eux. Je retrouvai le corps de mon
frere encore chaud. Dans une de ses blessures etait plantee une
branche d'arbre avec cette etiquette: "Fusille comme brigand, par
moi, Claude Flageolet, caporal au 3e bataillon de Paris." Je
recueillis le corps de mon frere; je lui fis enlever la peau de la
poitrine, cette peau qui, trouee de trois balles, devait
eternellement crier vengeance devant mes yeux, et j'en fis faire
mon gilet de bataille.
-- Ah! ah! fit Morgan avec un certain etonnement dans lequel, pour
la premiere fois, se melait quelque chose qui ressemblait a de la
terreur; ah! ce gilet est fait avec la peau de votre frere? Et le
pantalon?
-- Oh! repondit le Vendeen, le pantalon, c'est autre chose: il est
fait avec celle du citoyen Claude Flageolet, caporal au 3e
bataillon de Paris.
En ce moment la meme voix retentit, appelant pour la seconde fois,
et dans le meme ordre, les noms de Morgan, de Montbar, d'Adler et
de d'Assas.
Morgan s'elanca hors du cabinet.
Morgan traversa la salle de danse dans toute sa longueur et se
dirigea vers un petit salon situe de l'autre cote du vestiaire.
Ses trois compagnons, Montbar, Adler et d'Assas l'y attendaient
deja.
Avec eux se trouvait un jeune homme portant le costume d'un
courrier de cabinet a la livree du gouvernement, c'est-a-dire
l'habit vert et or.
Il avait les grosses bottes poudreuses, la casquette-visiere et le
sac de depeches qui constituent le harnachement essentiel d'un
courrier de cabinet.
Une carte de Cas
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