sini, sur laquelle on pouvait relever jusqu'aux
moindres sinuosites de terrain, etait etendue sur une table.
Avant de dire ce que faisait la ce courrier et dans quel but etait
etendue cette carte, jetons un coup d'oeil sur les trois nouveaux
personnages dont les noms venaient de retentir dans la salle du
bal, et qui sont destines a jouer un role important dans la suite
de cette histoire.
Le lecteur connait deja Morgan, l'Achille et le Paris tout a la
fois de cette etrange association. Morgan avec ses yeux bleus, ses
cheveux noirs, sa taille haute et bien prise, sa tournure
gracieuse, vive et svelte, son oeil qu'on n'avait jamais vu sans
un regard anime; sa bouche aux levres fraiches et aux dents
blanches, qu'on n'avait jamais vue sans un sourire; sa physionomie
si remarquable, composee d'un melange d'elements qui semblaient
etrangers les uns aux autres, et sur laquelle on retrouvait tout a
la fois la force et la tendresse, la douceur et l'energie, et tout
cela mele a l'etourdissante expression d'une gaiete qui devenait
effrayante parfois lorsqu'on songeait que cet homme cotoyait
eternellement la mort, et la plus effrayante de toutes les morts,
celle de l'echafaud.
Quant a d'Assas, c'etait un homme de trente-cinq a trente-huit
ans, aux cheveux touffus et grisonnants, mais aux sourcils et aux
moustaches d'un noir d'ebene; pour ses yeux, ils etaient de cette
admirable nuance des yeux indiens tirant sur le marron. C'etait un
ancien capitaine de dragons, admirablement bati pour la lutte
physique et morale, dont les muscles indiquaient la force, et la
physionomie l'entetement. Au reste, d'une tournure noble, d'une
grande elegance de manieres, parfume comme un petit-maitre, et
respirant par manie ou par maniere de volupte, soit un flacon de
sel anglais, soit une cassolette de vermeil contenant les parfums
les plus subtils.
Montbar et Adler, dont on ne connaissait pas plus les veritables
noms que l'on ne connaissait ceux de d'Assas et de Morgan, etaient
generalement appeles dans la compagnie les _inseparables.
_Figurez-vous Damon et Pythias, Euryale et Nisus, Oreste et Pylade
a vingt-deux ans; l'un joyeux, loquace, bruyant; l'autre triste,
silencieux, reveur, partageant tout, dangers, argent, maitresses;
se completant l'un par l'autre, atteignant a eux deux les limites
de tous les extremes; chacun dans le peril s'oubliant lui-meme
pour veiller sur l'autre, comme les jeunes Spartiates du bataillon
sacre, et vous aurez
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