aire, vous m'assurez que cette
communication en vaut la peine?
-- Oh! quant a cela, je vous en reponds!
Puis, avec son joyeux accent:
-- Je suis pour le moment, ajouta-t-il, l'ambassadeur d'une tete
couronnee, ou plutot decouronnee, ce qui ne la rend pas moins
respectable pour les nobles coeurs; d'ailleurs, je prendrai peu de
temps a votre general, monsieur Roland, et, du moment ou la
conversation trainera en longueur, il pourra me congedier; je ne
me le ferai pas redire a deux fois, soyez tranquille.
Roland demeura un instant pensif et silencieux.
-- Et c'est au premier consul seul que vous pouvez faire cette
communication?
-- Au premier consul seul, puisque, seul, le premier consul peut
me repondre.
-- C'est bien, attendez-moi, je vais prendre ses ordres.
Roland fit un pas vers la chambre de son general; mais il
s'arreta, jetant un regard d'inquietude vers une foule de papiers
amonceles sur sa table.
Morgan surprit ce regard.
-- Ah! bon! dit-il, vous avez peur qu'en votre absence je ne lise
ces paperasses? Si vous saviez comme je deteste lire! c'est au
point que ma condamnation a mort serait sur cette table, que je ne
me donnerais pas la peine de la lire; je dirais: C'est l'affaire
du greffier, a chacun sa besogne. Monsieur Roland, j'ai froid aux
pieds, je vais en votre absence me les chauffer, assis dans votre
fauteuil; vous m'y retrouverez a votre retour, et je n'en aurai
pas bouge.
-- C'est bien, monsieur, dit Roland.
Et il entra chez le premier consul.
Bonaparte causait avec le general Hedouville, commandant en chef
des troupes de la Vendee.
En entendant la porte s'ouvrir, il se retourna avec impatience.
-- J'avais dit a Bourrienne que je n'y etais pour personne.
-- C'est ce qu'il m'a appris en passant, mon general; mais je lui
ai repondu que je n'etais pas quelqu'un.
-- Tu as raison. Que me veux-tu? dis vite.
-- Il est chez moi.
-- Qui cela?
-- L'homme d'Avignon.
-- Ah! ah! et que demande-t-il?
-- Il demande a vous voir.
-- A me voir, moi?
-- Oui; vous, general; cela vous etonne?
-- Non; mais que peut-il avoir a me dire.
-- Il a obstinement refuse de m'en instruire; mais j'oserais
affirmer que ce n'est ni un importun ni un fou.
-- Non; mais c'est peut-etre un assassin.
Roland secoua la tete.
-- En effet, du moment ou c'est toi qui l'introduis...
-- D'ailleurs, il ne se refuse pas a ce que j'assiste a la
conference: je serai entre vous et lu
|