et fermee d'un
cachet aux trois fleurs de lis de France.
-- Oh! oh! dit-il, qu'est-ce que cela, monsieur?
-- Lisez, citoyen premier consul.
Bonaparte ouvrit la lettre et alla droit a la signature.
-- "Louis" dit-il.
-- Louis, repeta Morgan.
-- Quel Louis?
-- Mais Louis de Bourbon, je presume.
-- M. le comte de Provence, le frere de Louis XVI?
-- Et, par consequent, Louis XVIII depuis que son neveu le Dauphin
est mort.
Bonaparte regarda de nouveau l'inconnu; car il etait evident que
ce nom de Morgan, qu'il s'etait donne, n'etait qu'un pseudonyme
destine a cacher son veritable nom.
Apres quoi, reportant son regard sur la lettre, il lut:
"3 janvier 1800,
"Quelle que soit leur conduite apparente, monsieur, des hommes
tels que vous n'inspirent jamais d'inquietude; vous avez accepte
une place eminente, je vous en sais gre: mieux que personne, vous
savez ce qu'il faut de force et de puissance pour faire le bonheur
d'une grande nation: Sauvez la France de ses propres fureurs, et
vous aurez rempli le voeu de mon coeur; rendez-lui son roi, et les
generations futures beniront votre memoire. Si vous doutez que je
sois susceptible de reconnaissance, marquez votre place, fixez le
sort de vos amis. Quant a mes principes, je suis Francais; clement
par caractere, je le serai encore par raison. Non, le vainqueur de
Lodi, de Castiglione et d'Arcole, le conquerant de l'Italie et de
l'Egypte ne peut preferer a la gloire une vaine celebrite. Ne
perdez pas un temps precieux: nous pouvons assurer la gloire de la
France, je dis_ nous _parce que j'ai besoin de Bonaparte pour cela
et qu'il ne le pourrait sans moi. General, l'Europe vous observe,
la gloire vous attend, et je suis impatient de rendre le bonheur a
mon peuple.
"LOUIS."
Bonaparte se retourna vers le jeune homme, qui attendait debout,
immobile et muet comme une statue.
-- Connaissez-vous le contenu de cette lettre? demanda-t-il.
Le jeune homme s'inclina.
-- Oui, citoyen premier consul.
-- Elle etait cachetee, cependant.
-- Elle a ete envoyee sous cachet volant a celui qui me l'a
remise, et, avant meme de me la confier, il me l'a fait lire afin
que j'en connusse bien toute l'importance.
-- Et peut-on savoir le nom de celui qui vous l'a confiee?
-- Georges Cadoudal.
Bonaparte, tressaillit legerement.
-- Vous connaissez Georges Cadoudal? demanda-t-il.
-- C'est mon ami.
-- Et pourquoi vous l'a-t-il confiee, a vous, plutot qu'a
|