mais que je serai chez lui a sept heures du matin
sans faute. Il vous croira ou ne vous croira pas; mais, en tout
cas, il sera trop tard pour qu'il agisse contre nous: a sept
heures du matin, j'aurai dix mille hommes sous mes ordres.
-- Bien, general. Avez-vous d'autres ordres a me donner?
-- Non, pas pour ce soir, repondit Bonaparte. Soyez demain ici de
bonne heure.
-- Et moi? demanda Lucien.
-- Vois Sieyes; c'est lui qui a dans sa main le conseil des
Anciens; prends toutes tes mesures avec lui. Je ne veux pas qu'on
le voie chez moi, ni qu'on me voie chez lui; si par hasard nous
echouons, c'est un homme a renier. Je veux apres-demain etre
maitre de mes actions et n'avoir d'engagement absolu avec
personne.
-- Crois-tu avoir besoin de moi demain?
-- Viens dans la nuit, et rends-moi compte de tout.
-- Rentres-tu au salon?
-- Non. Je vais attendre Josephine chez elle. Bourrienne, vous lui
direz un mot a l'oreille en passant, afin qu'elle se debarrasse le
plus vite possible de tout son monde.
Et, saluant de la main et presque du meme geste son frere et
Bourrienne, il passa, par un corridor particulier, de son cabinet
dans la chambre de Josephine.
La, eclaire par la simple lueur d'une lampe d'albatre, qui faisait
le front du conspirateur plus pale encore que d'habitude,
Bonaparte ecouta le bruit des voitures qui s'eloignaient les unes
apres les autres.
Enfin, un dernier roulement se fit entendre, et, cinq minutes
apres, la porte de la chambre s'ouvrit pour donner passage a
Josephine.
Elle etait seule et tenait a la main un candelabre a deux
branches.
Son visage, eclaire par la double lumiere, exprimait la plus vive
angoisse.
-- Eh bien, lui demanda Bonaparte, qu'as-tu donc?
-- J'ai peur! dit Josephine.
-- Et de quoi? des niais du Directoire ou des deux Conseils?
Allons donc! aux Anciens, j'ai Sieyes; aux Cinq-Cents, j'ai
Lucien.
-- Tout va donc bien?
-- A merveille!
-- C'est que, comme tu m'avais fait dire que tu m'attendais chez
moi, je craignais que tu n'eusses de mauvaises nouvelles a me
communiquer.
-- Bon! si j'avais de mauvaises nouvelles, est-ce que je te le
dirais?
-- Comme c'est rassurant!
-- Mais, sois tranquille, je n'en ai que de bonnes; seulement, je
t'ai donne une part dans la conspiration.
-- Laquelle?
-- Mets-toi la, et ecris a Gohier.
-- Que nous n'irons pas diner chez lui?
-- Au contraire: qu'il vienne avec sa femme dejeuner chez nous;
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