pieds de son frere.
-- Oh! femmes! femmes! murmura Roland, inexplicables creatures
dont les paroles sont un mystere, dont la bouche ne dit jamais les
secrets du coeur, qui pleurent, qui prient, qui tremblent,
pourquoi? Dieu le sait! mais nous autres hommes, jamais! J'irai,
Amelie, parce que j'ai resolu d'y aller, et que, quand j'ai pris
une fois une resolution, nulle puissance au monde n'a le pouvoir
de m'en faire changer. Maintenant, embrasse-moi, ne crains rien,
et je te dirai tout bas un grand secret.
Amelie releva la tete, fixant sur Roland un regard a la fois
interrogateur et desespere.
-- J'ai reconnu depuis plus d'un an, repondit le jeune homme, que
j'ai le malheur de ne pouvoir mourir; rassure-toi donc et sois
tranquille.
Roland prononca ces paroles d'un ton si douloureux, qu'Amelie, qui
jusque-la etait parvenue a retenir ses larmes, rentra chez elle en
eclatant en sanglots.
Le jeune officier apres s'etre assure que sa soeur avait referme
sa porte, referma la sienne en murmurant:
-- Nous verrons bien qui se lassera enfin, de moi ou de la
destinee.
XVI -- LE FANTOME
Le lendemain, a l'heure a peu pres a laquelle nous venons de
quitter Roland, le jeune officier, apres s'etre assure que tout le
monde etait couche au chateau des Noires-Fontaines, entrouvrit
doucement sa porte, descendit l'escalier en retenant sa
respiration, gagna le vestibule, tira sans bruit les verrous de la
porte d'entree, descendit le perron, se retourna pour s'assurer
que tout etait bien tranquille, et, rassure par l'obscurite des
fenetres, il attaqua bravement la grille.
La grille, dont les gonds avaient, selon toute probabilite, ete
huiles dans la journee, tourna sans faire entendre le moindre
grincement, et se referma comme elle s'etait ouverte, apres avoir
donne passage a Roland, qui s'avanca rapidement alors dans la
direction du chemin de Pont-d'Ain a Bourg.
A peine eut-il fait cent pas que la cloche de Saint-Just tinta un
coup: celle de Montagnat lui repondit comme un echo de bronze; dix
heures et demie sonnaient.
Au pas dont marchait le jeune homme, il lui fallait a peine vingt
minutes pour atteindre la chartreuse de Seillon, surtout si, au
lieu de contourner le bois, il prenait le sentier qui conduisait
droit au monastere.
Roland etait trop familiarise depuis sa jeunesse avec les moindres
laies de la foret de Seillon pour allonger inutilement son chemin
de dix minutes. Il prit donc sans hesiter a travers b
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