ecret. Ce secret
n'est-il donc un secret que pour moi? Ne me heurterai-je pas toujours et
partout a des gens qui savent et qui semblent s'etre fait une loi de se
taire?
Vivement emu, Pardaillan dit avec douceur:
--Tres peu de gens savent, au contraire. C'est par suite d'un hasard
fortuit que j'ai connu la verite.
--Ne me la ferez-vous pas connaitre?
Pardaillan eut une seconde d'hesitation, et:
--Oui, dit-il, vous laisser dans cette incertitude serait vraiment trop
penible. Je vous dirai donc tout.
--Quand? fit vivement le Torero.
--Quand nous serons en France.
Le Torero hocha douloureusement la tete.
--Je retiens votre promesse, dit-il.
Il n'insista pas, et le chevalier demanda d'un air detache:
--Vous prendrez part a la course de demain?
--Sans doute.
--Vous etes absolument decide?
--Le moyen de faire autrement? Le roi m'a fait donner l'ordre d'y
paraitre. On ne se derobe pas a un ordre du roi. Puis il est une autre
consideration qui me met dans l'obligation d'obeir. Je ne suis pas
riche, vous le savez... d'autres aussi le savent. La mode s'est
instituee de jeter des dons dans l'arene quand j'y parais. Ce sont ces
dons volontaires qui me permettent de vivre. Et, bien que je sois le
seul pour qui le temoignage des spectateurs se traduise par des especes
monnayees, je n'en suis pas humilie. Le roi d'ailleurs preche d'exemple.
A tout prendre, c'est un hommage comme un autre.
--Bien, bien, j'irai donc voir de pres ce que c'est qu'une course de
taureaux.
Les deux amis passerent le reste de la journee a causer et ne sortirent
pas de l'hotellerie. Le soir venu, ils s'en furent se coucher de bonne
heure, tous deux sentant qu'ils auraient besoin de toutes leurs forces
le lendemain.
V
DANS L'ARENE
A l'epoque ou se deroulent les evenements que nous avons entrepris de
narrer, _alancear en coso_, c'est-a-dire jouter de la lance en champ
clos, etait une mode qui faisait fureur. Les tournois a la francaise
etaient completement delaisses et, du grand seigneur au modeste
gentilhomme, chacun tenait a honneur de descendre dans l'arene combattre
le taureau. Car il va sans dire que cette mode n'etait suivie que par la
noblesse. Le peuple ne prenait pas part a la course et se contentait d'y
assister en spectateur.
Le sire qui descendait dans l'arene--roi, prince ou simple
gentilhomme--tenait l'emploi du grand premier role: le matador. En meme
temps, il etait aussi le picador, puisque, com
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