mpte qu'il aurait l'audace de se presenter, et il avait pris ses
dispositions en consequence. C'est ainsi qu'une place d'honneur avait
ete reservee a l'envoye de S. M. le roi de Navarre.
Donc, Pardaillan, debout au milieu des gradins, dominant par consequent
toutes les autres personnes assises, s'efforcait de regagner sa place.
Mais le passage au milieu d'une foule de seigneurs et de nobles dames,
tous exagerement imbus de leur importance, ce passage ne se fit pas sans
quelque brouhaha.
D'autant plus que, fort de son droit, desireux de pousser la bravade a
ses limites extremes, le chevalier, qui s'excusait avec une courtoisie
exquise vis-a-vis des dames, se redressait, la moustache herissee,
l'oeil etincelant, devant les hommes et ne menageait pas les bravades
quand on ne s'effacait pas de bonne grace.
Bref, cela fit un tel tapage qu'a l'instant les yeux du roi, ceux de
la cour et des milliers de personnes massees la se porterent sur le
perturbateur qui, sans souci de l'etiquette, se dirigeait vers sa place,
comme on monte a l'assaut.
Une lueur mauvaise jaillit de la prunelle de Philippe.
Il se tourna vers d'Espinosa et le fixa un moment comme pour le prendre
a temoin du scandale.
Le grand inquisiteur repondit par un demi-sourire qui signifiait:
"Laissez faire. Bientot, nous aurons notre tour."
Philippe approuva d'un signe de tete et se retourna, de facon a tourner
le dos a Pardaillan qui atteignait enfin sa place.
Or, une chose que Pardaillan ignorait completement, attendu qu'il etait
toujours le dernier renseigne sur tout ce qui le touchait et qu'il
etait peut-etre le seul a trouver tres naturelles les actions qu'on
s'accordait a trouver extraordinaires, c'est que son aventure avec Barba
Roja avait produit, a la cour comme en ville, une sensation enorme. On
ne parlait que de lui un peu partout, et, si l'on s'emerveillait de la
force surhumaine de cet etranger qui avait, comme en se jouant, desarme
une des premieres lames d'Espagne, mate et corrige comme un gamin
turbulent l'homme le plus fort du royaume, on s'etonnait et on
s'indignait quelque peu que l'insolent n'eut pas ete chatie comme il le
meritait.
Lorsque Pardaillan parvint a sa place, il jeta un coup d'oeil machinal
autour de lui et demeura stupefait. Il ne voyait que regards haineux et
attitudes menacantes.
Et, comme notre chevalier n'etait pas homme a se laisser defier, meme du
regard, sans repondre a la provocation, au lieu de s'asse
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