Et, se tournant vers Philippe II qui, tout en paraissant s'interesser a
la course, ne perdait pas un mot de cette conversation:
--A moins que le roi ne me chasse, ajouta-t-elle.
Philippe II la regarda d'un air etonne.
Sans lui laisser le temps de placer un mot, d'Espinosa repondit pour
lui:
--Le roi ne vous chassera pas, madame. N'etes-vous pas l'astre le plus
resplendissant de sa cour? Aussi Sa Majeste, j'ose vous l'assurer, vous
gardera pres d'Elle aussi longtemps qu'Elle le pourra.
L'oreille la plus avertie n'aurait pu percevoir ni l'ironie ni la menace
dans ces paroles d'une galanterie raffinee en apparence.
Fausta ne s'y meprit pourtant pas, et, en suivant d'un oeil froid la
haute stature du grand inquisiteur devant qui chacun se courbait et
s'effacait, elle songeait, avec un imperceptible sourire aux levres:
"Va! Va donner des ordres pour qu'on me garde prisonniere a Seville
jusqu'a ce que le pape de ton choix soit designe pour succeder a
Sixte! Sans t'en douter tu fais mon jeu, comme tu l'auras fait en me
debarrassant de Montai te et de Sfondrato."
Cependant le roi, averti par le coup d'oeil d'Espinosa, s'ecria de son
air le plus aimable:
--He quoi! madame, vous songeriez a nous quitter?
--Au contraire, sire, je manifestais mon intention de prolonger mon
sejour a la cour d'Espagne. A moins que Votre Majeste ne me chasse,
ai-je ajoute.
--Vous chasser, madame! Par la Trinite Sainte! vous n'y pensez pas! M.
le cardinal vous le disait fort justement, a l'instant: nous ne saurions
plus nous passer de vous. Que vous le vouliez ou non, madame, vous etes
notre prisonniere. Rassurez-vous cependant, nous ferons tout ce qui
dependra de nous pour que cette captivite ne vous soit pas trop penible.
--Votre Majeste me comble! dit serieusement Fausta.
En elle-meme, elle songeait:
"Prisonniere, soit, o roi! Si tout marche au gre de mes desirs, bientot
tu seras mon prisonnier a ton tour."
Cependant la deuxieme course venait de s'achever sans incident
remarquable, et les nombreux valets affectes a ce service s'activaient
au nettoyage de la piste. C'etait comme un entracte en attendant la
troisieme course, celle du Torero.
Cette course, c'etait le clou de la fete.
Dans le peuple, on trouvait deux categories de spectateurs: ceux pour
qui elle constituait un spectacle empoignant, qui avait le don de les
passionner au plus haut point.
En second lieu, il y avait ceux qui attendaient quelque ch
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