tot l'eut
bien surprise.
Alors elle voulut voir le Chico a tout prix. Ce Chico qu'on trouvait
si beau, si brave, si mignon, si crane dans son superbe et luxueux
costume--du moins, ainsi le depeignaient tant de nobles dames--il lui
semblait que ce n'etait pas son Chico a elle, sa poupee vivante qu'elle
tournait et retournait au gre de son caprice. Il lui semblait que ce
devait etre un autre, qu'il y avait erreur. Et nerveuse, angoissee,
colere, sans savoir pourquoi ni comment, avec des envies folles de rire
et de pleurer, elle cria:
--Mais prends-moi donc dans tes bras que je puisse voir!...
D'une voix tellement changee, sur un ton si violent, que la vieille
Barbara, stupefaite, oublia pour la premiere fois de sa vie de
ronchonner, la prit docilement dans ses bras et, avec une vigueur qu'on
ne lui eut pas soupconnee, augmentee peut-etre par l'inquietude, car
elle sentait confusement que quelque chose d'anormal et d'extraordinaire
se passait dans l'ame de son enfant, elle la souleva et la maintint
au-dessus de la foule, assise sur sa robuste epaule.
C'est ainsi que la petite Juana vit le nain Chico dans toute sa
splendeur. Elle le regarda de tous ses yeux comme si elle ne l'eut
jamais vu, comme si ce ne fut pas la le meme Chico avec qui elle avait,
ete elevee, le meme Chico qu'elle s'etait plu, inconsciemment, a faire
souffrir, le considerant comme sa chose, son jouet a l'egard de qui elle
pouvait tout se permettre.
C'etait cependant toujours le meme. Il n'avait rien de change, si
ce n'est son costume et un petit air crane et decide qu'elle ne lui
connaissait pas. Si le Chico etait toujours le meme, c'est donc
que quelque chose qu'elle ne soupconnait pas etait change en elle.
Peut-etre!...
Mais la petite Juana ne se rendait pas compte de cela, et, comme a ce
moment le mot poupee fleurissait sur les levres pourpres de tant de
jolies dames, sans savoir ce qu'elle disait, avec un regard de colere et
de defi a l'adresse des nobles effrontees, elle cria rageusement:
--C'est a moi, cette poupee! a moi seule!
Et, comme elle avait l'habitude de trepigner dans ces moments de grandes
coleres, ses petits pieds, si coquettement chausses, battant dans le
vide, se mirent a tambouriner frenetiquement le ventre de la pauvre
Barbara, qui, ne sachant ce qui lui arrivait, sans lacher prise
toutefois, se mit a beugler:
--Ho! ha! he la! notre maitresse! pour Dieu, qu'avez-vous? que vous
arrive-t-il? Calmez-vous, enfant d
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