i le reve de la papesse Fausta. Fini! momentanement.
Ce que j'entreprends ici ne le cede en rien en grandeur et en puissance
a ce que j'avais reve. Et qui sait si je n'arriverai pas ainsi plus
surement a la couronne pontificale? Puis il faut tout prevoir: si je
parais renoncer a mes anciens projets, on me laissera tranquille. Mes
biens, mes Etats, sur lesquels le vieux lutteur avait mis la main, me
seront rendus. En cas d'adversite, je puis me retirer en Italie, j'y
serai encore souveraine et non plus proscrite. Et mon fils, le fils
de Pardaillan! Je vais donc enfin pouvoir rechercher cet enfant sans
crainte d'attirer sur lui l'attention mortelle de mon irreductible
ennemi. Le tresor que j'avais prudemment cache, et dont Myrthis seule
connait la retraite, echappera a la convoitise de celui qui n'est plus.
Mon fils, du moins, sera riche."
Et avec une sorte d'etonnement:
"D'ou vient que je me sens prise de l'imperieux desir de revoir
l'innocente petite creature, de la serrer dans mes bras? Est-ce la joie
de la savoir enfin a l'abri de tout danger?..."
A l'instant precis ou elle se posait ces questions, d'Espinosa disait:
--Et vous, madame, que comptez-vous faire?
Si haut place que fut d'Espinosa, prince de l'Eglise, grand inquisiteur
d'Espagne, la desinvolture avec laquelle il se permettait de
l'interroger sur ses projets ne laissa pas de la piquer. Aussi, ne
voulant pas se facher en presence du roi, elle se fit glaciale pour
demander a son tour:
--A quel sujet?
--Au sujet de la succession du pape Sixte V.
--Eh! dit Fausta d'un air souverainement detache, en quoi cette
succession peut-elle m'interesser?
D'Espinosa posa sur elle son oeil lumineux, et lentement, avec une
insistance lourde de menaces:
"N'avez-vous pas tente certaine entreprise, dont l'insucces vous a valu
une condamnation a mort? N'avez-vous pas, durant de longs mois, ete la
prisonniere de celui qui fut votre vainqueur et dont on vient de vous
annoncer la mort? Ne trouverez-vous pas l'occasion propice et ne
serez-vous pas tentee de reprendre vos projets momentanement abandonnes?
--Je vous entends, cardinal, mais rassurez-vous. Ces projets n'existent
plus dans mon esprit. J'y renonce librement. Le successeur de Sixte,
quel qu'il soit, ne me verra pas me dresser sur son chemin.
--Ainsi, madame, cette mort ne change rien a nos conventions? Vous
n'avez pas l'intention de regagner l'Italie, Rome?
--Non, cardinal. J'entends rester ici.
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