roi.
Ce geste du Torero, froidement premedite, qui denotait chez lui une
audace rare, ne fut pas compris que du roi et de ses courtisans,
lesquels firent entendre un murmure reprobateur. Il le fut aussi de la
foule, qui redoubla ses acclamations. Il le fut surtout de Pardaillan
qui, trouvant la l'occasion d'une de ces bravades dont il avait le
secret, s'ecria au milieu de l'attention generale:
--Bravo, don Cesar!
Et le Torero repondit a cette approbation precieuse pour lui par un
sourire significatif.
Ces menus incidents, qui passeraient inapercus aujourd'hui, avaient
alors une importance considerable. Rien n'est plus fier et plus
ombrageux qu'un gentilhomme espagnol.
Le roi etant le premier des gentilshommes, narguer ou insulter le
roi, c'etait insulter toute la gentilhommerie. C'etait un crime
insupportable, dont la repression devait etre immediate.
Or, cet aventurier de Torero, qui n'avait meme pas un nom, dont la
noblesse tenait uniquement a sa profession de ganadero qui anoblissait
alors, ce miserable aventurier s'etait permis de vouloir humilier le
roi. Cette tourbe de vils manants, qui pietinaient, la-bas, sur
la place, s'etait permis d'appuyer et de souligner de ses bravos
l'insolence de son favori. Enfin cet autre aventurier etranger, ce
Francais, etait venu a la rescousse.
Par la Vierge immaculee! par la Trinite sainte! par le sang du Christ!
voici qui etait intolerable et reclamait du sang! Si une diversion
puissante ne se produisait a l'instant meme, c'en etait fait: les
courtisans se ruaient, le fer a la main, sur la populace, et la bataille
s'engageait autrement que n'avait decide d'Espinosa.
Cette diversion, ce fut le Chico qui, sans le vouloir, la produisit par
sa seule presence.
A defaut d'autre merite, sa taille minuscule suffisant a le signaler a
l'attention de tous, le nain etait connu de tout Seville. Mais, si, sous
ses haillons, sa joliesse naturelle et l'harmonie parfaite de ses formes
de miniature forcaient l'attention au point qu'une artiste raffinee
comme Fausta avait pu declarer qu'il etait beau, on imagine aisement
l'effet qu'il devait produire, ses charmes etant encore rehausses par
l'eclat du somptueux costume qu'il portait avec cette elegance native
et cette fiere aisance qui lui etaient particulieres. Il devait etre
remarque. Il le fut.
Il avait dit naivement qu'il esperait faire honneur a son noble maitre.
Il lui fit honneur, en effet. Et, qui mieux est, il conquit
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