on page (le Chico), qui ne devaient plus le quitter a
compter de cet instant, se placerent derriere lui.
Des qu'il fut en place, comme la bete pouvait etre lachee brusquement,
tous ceux qui encombraient la lice s'empresserent de lui laisser le
champ libre en se dirigeant a toutes jambes vers les barrieres, qu'ils
se haterent de franchir, sous les quolibets de la foule amusee.
Les courtisans savaient que le Torero etait condamne. Lorsque sa
silhouette elegante se detacha, seule, au milieu de l'arene, au lieu de
l'accueillir par des paroles encourageantes, au lieu de l'exciter a bien
combattre, comme on le faisait habituellement pour les autres champions,
un silence mortel s'etablit soudain.
Le peuple, lui, ignorait que le Torero fut condamne ou non. Ceux qui
savaient etaient des hommes a Fausta ou au duc de Castrana, et ceux-la
etaient bien resolus a le soutenir. Or, pour ceux qui savaient, comme
pour ceux qui ne savaient pas, le Torero etait une idole.
Le silence glacial qui pesa sur les rangs de la noblesse deconcerta tout
d'abord les rangs serres du populaire. Puis l'amour du Torero fut le
plus fort; puis l'indignation de le voir si mal accueilli, enfin
le desir imperieux de le venger seance tenante de ce que plus d'un
considerait comme un outrage dont il prenait sa part.
Le Torero, immobile au milieu de la piste, percut cette sourde hostilite
d'une part, cette sorte d'irritation d'autre part. Il eut un sourire
dedaigneux, mais, quoi qu'il en eut, cet accueil, auquel il n'etait pas
accoutume, lui fut tres penible.
Comme s'il eut devine ce qui se passait en lui, le peuple se ressaisit
et bientot une rumeur sourde s'eleva, timidement d'abord, puis se
propagea, gagna de proche en proche, s'enfla, et finalement eclata en
un tonnerre d'acclamations delirantes. Ce fut la reponse populaire au
silence dedaigneux des courtisans.
Reconforte par cette manifestation de sympathie, le Torero tourna le dos
aux gradins et a la loge royale et salua, d'un geste gracieux de son
epee, ceux qui lui procuraient cette minute de joie sans melange. Apres
quoi, il fit face au balcon royal et, d'un geste large, il salua le
roi qui, rigide et observateur des regles de la plus meticuleuse des
etiquettes, se vit dans la necessite de rendre le salut a celui qui,
peut-etre, allait mourir. Ce qu'il fit avec d'autant plus de froideur
qu'il avait ete plus sensible a l'affront du Torero saluant la vile
populace avant de le saluer, lui, le
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