cape et son epee, partir en
courant, tel fut son premier mouvement.
Il pensait atteindre la piste en quelques bonds et il esperait arriver
a temps pour sauver son ennemi en attirant l'attention du taureau vers
lui.
Mais il avait compte sans l'encombrement, il ne pouvait avancer que
lentement, trop lentement au gre de son impatiente generosite.
Etroitement presse dans la cohue, qu'il s'efforcait vainement de
traverser, il apprit la foudroyante intervention du gentilhomme
francais.
On ne nommait pas ce gentilhomme. Mais le Torero ne pouvait s'y tromper.
Pardaillan, seul, etait capable d'un trait de bravoure et de generosite
pareil.
Presse de toutes parts, ecumant de rage et de colere, etreint par
l'angoisse, le Torero dut, en se rongeant les poings de desespoir, se
contenter d'ecouter le recit du combat fait a voix haute par ceux
qui voyaient, repete et commente de bouche en bouche par ceux qui ne
voyaient pas.
La formidable acclamation qui suivit la mort du taureau ne put le tirer
d'inquietude. Il savait, en effet, que, dans leur engouement pour
ces luttes violentes, les spectateurs, electrises, acclamaient
impartialement aussi bien la bete que l'homme, lorsqu'un coup excitait
leur admiration.
Heureusement, les commentaires qui suivirent vinrent lui apporter un peu
d'espoir. Il n'eut qu'a preter l'oreille pour entendre les exclamations
les plus diverses:
"Le taureau s'est ecroule comme une masse!--Un coup, un seul coup lui
a suffi, senor!--Et avec une mechante petite dague!--Splendide!
Merveilleux!--Voila un homme!--Quel dommage qu'il ne soit pas
Espagnol!--Le plus admirable, c'est que c'est le meme gentilhomme qui a,
l'autre jour, administre la correction que vous savez a ce pauvre Barba
Roja, qui joue de malheur decidement!--Quoi, le meme?--C'est comme j'ai
l'honneur de vous le dire, senor. L'autre jour, il corrige Barba Roja,
aujourd'hui, il s'expose bravement pour le secourir. C'est noble,
genereux!"
En moins d'une minute, le Torero en apprit cent fois plus sur les faits
et gestes de Pardaillan, que celui-ci me lui en avait dit depuis qu'il
le connaissait.
Malgre tout, il n'etait pas encore rassure, lorsque le mouvement de la
foule, s'ecartant pour faire place au triomphateur, le mit face a face
avec celui qu'il s'etait vainement efforce de secourir.
--He! cher ami! fit le chevalier, de son air railleur, ou courez-vous
ainsi, demi nu?
Tout heureux de le retrouver sans l'apparence d'une
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