ralement montre l'anatomie de
son corps, enfin, vous m'avez indique de facon si nette et si exacte
l'endroit precis ou il fallait la frapper, que je n'ai eu qu'a me
souvenir de vos lecons, qu'a suivre a la lettre vos indications pour la
tuer avec une facilite dont je suis a la fois etonne et honteux. Tout
l'honneur du coup, si tant est qu'honneur il y a, vous revient, en bonne
justice.
Ecrase par la logique de ce raisonnement debite avec un serieux
imperturbable et, qui pis est, avec une sincerite manifeste, le Torero
leva les bras au ciel.
--Vous avez une maniere de presenter les choses tout a fait
particuliere.
Ceci etait dit sur un ton tel que Pardaillan eclata franchement de rire.
Et le Torero ne put s'empecher de partager son hilarite.
--Mais, chevalier, dit-il quand, son hilarite fut calmee, je vous
dirai que le merveilleux, l'admirable, ce qui fait vraiment de vous le
triomphateur que vous vous refusez a etre, c'est precisement, d'avoir su
garder assez de sang-froid pour mettre en pratique d'aussi magistrale
maniere les pauvres indications que j'ai eu le bonheur de vous donner.
--Parlons serieusement. Savez-vous que vous etes en droit de me garder
quelque rancune de ce coup qu'il vous plait de qualifier de merveilleux?
--Dieu me soit en aide! Et comment? Pourquoi?
--Parce que, sans ce coup-la, a l'heure qu'il est, je crois bien que le
seigneur Barba Roja aurait rendu son ame a Dieu.
--Je ne vois pas...
--Ne m'avez-vous pas dit que vous lui vouliez la malemort? Je crois me
souvenir vous avoir entendu dire qu'il ne mourrait que de votre main.
En disant ces mots, Pardaillan etudiait de son oeil scrutateur le loyal
visage de son jeune ami.
--Je l'ai dit, en effet, repondit le Torero, et j'espere bien qu'il en
sera ainsi que je desire.
--Vous voyez donc bien que vous avez le droit de m'en vouloir, dit
froidement le chevalier.
Le Torero secoua doucement la tete:
--Quand je suis parti a peine vetu, comme vous le voyez, je courais au
secours d'une creature humaine en peril. Je vous jure bien, chevalier,
qu'en allant tenter le coup que vous avez si bien reussi je n'ai pas
pense un seul instant que j'agissais au profit d'un ennemi.
L'oeil de Pardaillan petilla de joyeuse malice.
--En sorte que, dit-il, ce fameux coup, que vous ne risqueriez peut-etre
pour vous-meme qu'a la toute derniere extremite, si je ne vous avais
prevenu, vous l'eussiez tente en faveur d'un ennemi?
--Oui, certes,
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