ainsi pourtant. Je ne sais pas qui vous etes, ce que vous
voulez, ou vous allez, ce que vous valez. Mais, depuis que je vous ai
vu, je ne suis plus le meme. Un mot de vous me bouleverse, et, pour
meriter un compliment de vous, je passerais sans hesiter a travers un
brasier!
Pardaillan, tres emu par l'accent poignant du petit homme, murmura:
"Pauvre petit bougre!"
Et tout haut, avec une douceur inexprimable:
--Tu as raison, Chico, je comprends admirablement ce que tu dis et je
devine ce que tu ne dis pas.
Et changeant de ton, avec une brusquerie affectee:
--Ou t'etais-tu terre hier, Chico? On t'a cherche vainement de tous
cotes.
--Qui donc m'a cherche? Vous?
--Non, pas moi, cornes du diable! Mais certaine petite hoteliere que tu
connais bien.
--Juana! dit le Chico qui rougit.
--Tu l'as nommee.
Le nain hocha la tete.
--Qu'est-ce a dire? gronda Pardaillan. Douterais-tu de ma parole?
Le Chico eut une imperceptible hesitation.
--Non! dit-il. Cependant...
--Cependant? demanda Pardaillan qui souriait malicieusement.
--Elle m'avait chasse la veille... j'ai peine a croire...
--Qu'elle t'ait envoye chercher le lendemain? Cela prouve que tu n'es
qu'un niais, Chico. Tu ne connais pas les femmes.
--Vous ne raillez pas? Juana m'a envoye chercher? dit le nain devenu
radieux.
--Je me tue a te le dire, mort-diable!
--Alors?...
--Alors tu pourras aller la voir apres la course. Tu seras bien recu,
j'en reponds... si toutefois tu tires tes chausses de la bagarre.
--Je les tirerai, tiens! s'ecria le nain rayonnant de joie.
--A moins que tu ne preferes te retirer tout de suite..., hasarda le
chevalier.
--Comment cela? fit naivement le Chico.
--En t'en allant avant la bataille.
--Abandonner don Cesar dans le danger! Vous n'y pensez pas! Arrive
qu'arrive, je reste, tiens!
--A la bonne heure! Silence, voici le Torero.
--Si vous voulez bien me suivre, chevalier, dit le Torero en soulevant
la portiere, sans entrer, le moment approche.
--A vos ordres, don Cesar.
IX
L'ORAGE ECLATE
Pendant que le Torero se dirigeait vers la piste, il se passait, dans la
loge royale, un incident que nous devons relater ici.
Fausta avait obtenu que toute personne qui se reclamerait de son nom
serait admise seance tenante en sa presence.
Au moment ou le Torero, accompagne de Pardaillan et de sa suite,
laquelle se composait de deux hommes et du Chico, attendait dans le
couloir circulai
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